A quarante-trois ans, Suze Trappet découvre que la maladie dont elle est atteinte risque de ne pas lui laisser beaucoup de temps à vivre. Elle décide alors de retrouver la piste de l’enfant qu’elle avait eu sous X à quinze ans et qu’elle avait abandonné. Au cours des démarches administratives qu’elle entreprend dans ce sens, son chemin croise celui de JB, un quinquagénaire impliqué malgré lui dans ce qui avait toutes les chances de passer pour un attentat et qui n’était en fait que les conséquences de son suicide raté. Une course poursuite s’engage au cours de laquelle ils rencontrent monsieur Blin, un archiviste devenu aveugle à la suite d’une bavure policière. Leur fuite à trois devient une course poursuite déjantée….
Albert Dupontel avait comme projet de réaliser une tragédie burlesque en prise directe avec notre époque offerte aux débordements des technologies modernes. L’histoire qu’il a imaginée met en présence deux personnages en détresse, l’un qui veut vivre mais ne peut pas et l’autre qui pourrait vivre mais qui ne veut plus…
La force de « Adieu les cons » réside dans l’art avec lequel Albert Dupontel mêle le burlesque et l’émotion dans un traitement narratif singulier qui, pour échapper à un cheminement linéaire, peut apparaître au premier abord chaotique mais dont on découvre finalement qu’il était d’amener le spectateur à « voyager » dans un univers insolite.
Dans « Adieu les cons », plus que dans les autres réalisations d’Albert Dupontel, il y a le thème récurrent de la filiation et davantage de réalisme même si le réalisme est ici masqué par un déroulement narratif et une construction qui échappent au prévisible, à l’attendu.
Albert Dupontel amène le spectateur sur des chemins à chaque fois nouveaux et ses personnages, même s’ils collent au sujet et à la construction dramatique, s’évadent sans cesse de la narration toute tracée auquel le sujet prédestinait. L’interprétation d’Albert Dupontel qui désamorce toute dramatisation donne le ton. Il marque à ce point son film, contribue à tel point à lui donner sa tonalité qu’on a du mal à imaginer tout autre interprète.
Pour poétiser et magnifier ce récit qui compte de nombreuses scènes de nuit, le tournage s’est fait en studio sur fond bleu et le travail sur les effets spéciaux ajoute à la « poétisation » des décors urbains nocturnes, à cette distanciation entre le sujet réaliste et un traitement cinématographique toujours légèrement décalé.
L’émotion reste cependant palpable et Virginie Efira propose une composition à tout instant surprenante.
Une œuvre déroutante parfois, mais solide et déterminée dans ses options narratives.
Francis Dubois
« Adieu les cons » – Un film d’Albert Dupontel (France) – Sortie en salles le 21 octobre 2020.
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