Jusque là, dans la société algérienne, le hammam était un endroit où les femmes pouvaient aller sans réprimande.

Mais le 21 juin 1990, le FIS (Front Islamique du Salut) remporte massivement des voix lors des élections communales, premières élections libres et démocratiques, après que le pouvoir ait instauré le multipartisme pour calmer la révolte d’octobre 1988.

Dès lors les islamistes ont décidé que le hammam était un lieu illicite car un lieu de nudité. Or, selon eux, une femme ne doit montrer son corps qu’à son époux.

Et les premières règles en vigueur on été celles à l’encontre des femmes devenues la raison de la décadence du monde, un fléau à mater.

cinéma : A mon âge, je me cache encore pour fumer
cinéma : A mon âge, je me cache encore pour fumer

Rayhana a écrit sur le sujet, situé au milieu des années noires en Algérie, un texte qui a, dans un premier temps, donné lieu à une lecture-mise en espace dans le cadre des «mardis du Rond-Point»

A la suite de quoi, la pièce est créée avec un succès critique et public à « La maison des Métallos » en décembre 2009.

C’est Michèle Ray-Gavras, productrice enthousiasmée par le spectacle, qui a proposé à Rayhana de travailler à une adaptation de la pièce pour le grand écran. Celle-ci avait deux exigences : le film serait tourné en arabe et il serait réalisé par l’auteure elle-même.

Le projet a pris du temps et le résultat final, très proche du souhait initial, donne un film étonnant par sa construction et par la justesse des atmosphères.

Mises à part les brèves séquences d’introduction, le film est un huis-clos à l’intérieur d’un hammam où se sont regroupées, comme dans un dernier bastion, une dizaine de femmes venues pour des massages, pour des bavardages, des confidences les unes aux autres, mais aussi et peut-être surtout pour commettre un acte politique de résistance.

Rayhana dresse une galerie de portraits de la femme algérienne sans jamais verser dans le cliché.

Fatima, la cinquantaine, chef masseuse, maîtresse femme qui subit au quotidien les assauts d’un mari brutal et vient au hammam se purifier le sexe.

Samia qui, à vingt neuf ans, n’est toujours pas mariée et attend celui qui pourrait enfin la libérer du joug familial.

Keltoum, femme moderne et courageuse, heureuse dans sa vie de couple. Elle est obligée de porter le voile suite à des menaces d’un gamin de 8 ans envoyé par un auto-proclamé imam de la mosquée voisine.

Zahia, veuve d’un chef de groupe terroriste qui semait la terreur en n’épargnant ni femmes ni enfants.

Nadia ne mâche pas ses mots. Zahia était une amie de lycée. Elle est devenue son ennemie jurée.

Étudiante révoltée elle a été brûlée à l’acide par ses camarades barbus de l’université pour son goût de la liberté.

Louisa est analphabète mais moderne. Elle a été mariée à 10 ans à un ami de son père de quarante ans son aîné. Malgré les souffrances subies au cours de vie, son regard positif sur le monde n’a pas été altéré. Elle est fière de sa fille qui étudie à l’université.

Mériem est le fil rouge du film. Elle est enceinte. C’est par elle que le drame arrive. Poursuivie par son frère qui veut laver l’honneur de la famille dans le sang, elle est recueillie et cachée par Fatima dans une pièce retirée du hammam.

Aïcha est croyante et pratiquante même si son islam est païen. Ancrée dans la tradition ancestrale elle porte le flambeau de la mère méditerranéenne, possessive et qui reconduit avec les autres femmes ce qu’elle a subi.

La mise en scène de Rayhana fonctionne sur un mouvement incessant des personnages calqué sur les rapports des femmes entre elles entre complicité et conflit, en perpétuel éveil.

Elle installe dans ce lieu unique une atmosphère qui restitue en filigrane la situation dramatique d’une Algérie dans sa période des plus douloureuses de son histoire mêlant aux préoccupations individuelles, les difficulté de la nation.

Michèle Ray-Gavras a exigé que le film soit tourné en arabe, ce qui ajoute un grain narratif d’authenticité à un film «authentique»

Francis Dubois


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