Shin-Hong, jeune entrepreneur birman souffre d’insomnies. Un jour, sa mère recueille un conseil de la part d’un diseur de bonne aventure. Il recommande à Shin-hong pour retrouver le sommeil, d’acheter quatorze pommes, d’aller faire une retraite dans un monastère situé dans le centre du pays, en pleine campagne. Il devra y mener la vie des moines pendant quatorze jours et manger une pomme par jour.
Réalisateur birman naturalisé taïwanais, Midi Z, à travers ses films «Adieu Mandalay» , « Ice prison» notamment, a tenté de témoigner des conditions de vie des birmans vivant au bas l’échelle sociale. C’est à cette occasion qu’il allait voir pour la première fois de sa vie une pomme, un fruit rare restant trop cher pour les couches inférieures de la société aujourd’hui encore.
Enfant à la santé fragile, le réalisateur avait pendant un temps fait des séjours dans des monastères, suivant les conseils d’un diseur de bonne aventure.
La thérapie des « 14 pommes» qu’envisageait d’entreprendre son ami Shin-hong allait lui permettre de renouer avec le milieu ultra précaire dans lequel il avait vécu et où la religion avait une grande influence. Car, devenir moine est pour un pauvre en Birmanie, un moyen de s’extraire de la pauvreté, car c’est aussi pouvoir accéder aux fonctions de mentor. Une qualification qui permet de faire bénéficier aux autres de la sagesse et des conseils qu’on a acquis au cours de la retraite.
«Quatorze pommes » pose un regard critique sur les limites d’un bouddhisme éloigné des maux de la société et qui est capable de laisser apparaître une grande différence entre les idéaux qu’il prône et leur mise en pratique.
Mais le cinéaste agit en sage et ne s’érige jamais en juge. Pour lui, seule l’observation peut conduire à la compréhension.
C’est ainsi que le film comprend de nombreux plans séquences donnant lieu à de longs moments d’observation : la voiture de Shan hong qui s’est enlisée et que les enfants s’efforcent de sortir de l’ornière ; la cérémonie de l’intronisation du jeune moine ou encore cette longue scène où l’on suit le défilé des femmes ramenant des bidons d’eau du puits.
Midi Z se place en témoin silencieux de ce village où les coutumes laissent apparaître de nombreuses disparités.
Présenté en avant-première à la Berlinade de 2018, dans la section «Forum», « 14 pommes» est un documentaire fascinant et troublant sur la Birmanie d’aujourd’hui et le pouvoir bouddhiste ; sur des populations soumises à la croyance, et qui bien que vivant dans la pauvreté n’hésite pas à donner aux moines ce qu’ils possèdent de plus précieux dans l’espoir d’augmenter leur Karma…
Francis Dubois
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