Le danseur Israélien Hillel Kogan, ancien assistant d’Ohad Naharin dans la Batsheva Dance Company, nous avait séduits il y a quelques années avec sa proposition au carrefour de la danse et du théâtre, We love Arabs. Il s’empare cette fois du flamenco pour soulever la question de l’identité. Pour cela, il s’est associé à Mijal Natan, une danseuse de flamenco israélienne née d’un couple germano-marocain.
C’est elle qui démarre avec force zapateados et palmas. Elle claque des pieds, frappe ses mains sur son corps et s’avance impérieuse vers lui qui est assis et la regarde. Il se lève et se met à chanter en espagnol avant de se lancer dans un monologue en français sur l’Espagne où passent tous les clichés, la chaleur, les belles brunes, la « bonne bouffe », les Espagnols sympas, la sieste, la langue musicale, mais aussi la guerre civile, le franquisme et puis Dali et Picasso. L’humour se fait parfois caustique lorsqu’il rappelle que la découverte de l’Amérique doit beaucoup à l’argent que les Juifs prêtèrent à Isabelle la Catholique. En creux il parle aussi de son identité de Juif par exemple lorsqu’il évoque la volonté d’indépendance de la Catalogne ou le Portugal, ce petit bout de terre au bout de l’Espagne, qui se veut différent.
En une succession de saynètes mêlant chant, danse et textes il se lance avec sa partenaire dans des duos qui témoignent d’une belle complicité. Ils frappent des pieds, elle compte en frappant dans ses mains, il chante Paloma, enchaîne sur des tubes divers et même si chacun suit son chemin, ils se retrouvent toujours en rythme. Elle se fait impérieuse, il se fait féminin, rejetant du pied avec grâce la traîne de la robe à volants des gitanes qu’il a revêtue.
Le message du danseur, porté avec humour, est clair. Il se voit en « danseur-touriste, jouant du flamenco comme un lieu de débat sociétal et universel ». Il s’interroge : qu’est ce que l’appropriation culturelle, l’identité nationale, le folklore, l’art ? Pour lui c’est de la différence des cultures, de leur métissage que naît la richesse alors que de la coupure entre les identités naît la douleur, ce mot pain écrit en lettres fluo en fond de plateau et qui se fond dans le thisispain du titre.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 17 novembre au Théâtre du Rond-Point, 2bis, av. Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au vendredi à 19h30, le samedi à 18h30 – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr
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