Une chanson célèbre de Pierre Perret, La Cage aux Oiseaux (1958), invite les enfants à ouvrir la cage aux oiseaux : « regardez-les s’envoler, c’est beau ». Ici la cage est déjà ouverte : vestige d’une fuite récente ou piège perfide ? À pas dansés, saccadés, au rythme d’une musique endiablée, un être apparaît d’orange vêtu. Peut-être une humaine évadée de la grande ville, autre cage. Elle explore le lieu au centre duquel trône une cage à l’ancienne, volière en fer forgée à taille humaine installée sur un grand galet blanc et plat légèrement décollé du sol. Tout autour, tels des ilots, d’autres galets plus petits. Il est bon et plaisant de sautiller de l’un à l’autre. Sauter c’est déjà danser, c’est aussi un peu voler, s’élever dans les airs. Le rêve ancestral de voler n’a plus l’allure d’une mythologie tragique façon Icare ni celle d’une machinerie sophistiquée juste bonne à s’écraser à peine décollée. Il ressemble à un jeu d’enfant, un rêve de danseuse, corps et cœur plus légers que l’air. Et la musique aide bien, un vrai moteur ! Innocence ou inadvertance, la femme-oiseau se retrouve encagée. Est-ce l’oiseau qui suscite l’encagement par des « rentiers vicelards, des vieux schnocks » comme dans la chanson ? Est-ce la liberté qui attire sa répression venue de frustrés de rêve de vol ? Toujours est-il qu’une fois prisonnière la danseuse se mue en oiseau, des plumes lui poussent sur le dos, trop grandes pour se déployer entre les barreaux de sa cage mais pas pour lui interdire quelques acrobaties en volière. Cette cage réserve bien des surprises et quelques élasticités… L’oiseau-acrobate redevient oiseau-femme à la faveur d’une évasion miraculeuse mais l’extérieur est devenu menaçant. Il faut réapprendre la liberté dans la peur de la perdre de nouveau. Embuches et déboires, puis retour dans la cage devenue abri et peut-être mausolée, à moins qu’elle se transforme en la matrice d’une nouvelle métamorphose : danseuse-chrysalide.

Ce conte pour enfant est un appel à grandir avec ses rêves mais sans illusion. À moins qu’il ne soit un rappel à savoir rester enfant. La chorégraphe et danseuse Sarah Pasquier nous propose une écriture poétique et ludique à la fois. À son art de danseuse, maitrisé et précis, elle ajoute une dimension de mime d’une belle expressivité.  Mais ce qui enchante et ravi c’est l’esprit circassien de la performance. Un don de soi sans filet. Sureté et pureté des mouvements, grâce du phrasé corporel. La comédienne danseuse ou l’inverse, habite pleinement le dispositif original d’une cage légère et mobile ressemblant à une hutte bâtie sur l’île mère d’un archipel ou sur une étoile entourée de satellites. Saluons Jean-Yves Cachet, concepteur de ce merveilleux objet scénique que la chorégraphe a contribué à rendre pleinement narratif par quelques ajustements.  

Le spectacle illustre parfaitement les intentions de la compagnie Petitgrain créée en 2008 par Sarah Pasquier et Flavien Bernezet qui voulaient en faire « un laboratoire de recherches artistiques, un espace d’interactions entre différentes disciplines pour développer un langage universel ». Langage qui avec Ouvre la cage se décline dans plusieurs formats de représentation : plateau, plein air ou in situ, le spectacle se déplace et s’adapte à quasiment tous les lieux, ce qui n’est pas sans rappeler la migration des cirques de jadis. Julienne Dessagne à la création musicale, Julo Etievant à la création lumières et Jean-Luc Tourné à la régie forment une équipe légère mais d’une grande efficacité.

Créé en décembre 2019 mais stoppé dans son élan par les confinements de 2020, le spectacle a eu le temps de murir pour une reprise en mai 2021 à Villiers-Morgon dans le Rhône – La chorégraphe y poursuit depuis six ans un travail en partenariat scolaire avec une classe artistique de collège de quarante-cinq élèves de 4e et 3e répartis par tiers : quinze comédiens, quinze danseurs et quinze musiciens. Depuis deux ans, Ouvre la cage tourne au rythme d’une roulotte de forain avec un passage par la Cour du Spectateur à Avignon en 2022. Le 23 septembre 2023, le spectacle était donné à la Médiathèque Camille Claudel de Sorgues (84) pour sa quatre-vingt-cinquième représentation ! Il passera par Caumont sur Durance en juin 2024 et sera peut-être à Marseille en septembre 2024. À suivre sur le site de la compagnie Petitgtrain si vous voulez entendre chanter à l’unisson l’humanité, la nature et la liberté, les voir voler ensemble.

Difficile de tourner la page sur cette ouverture de cage…


Jean-Pierre Haddad

Plus d’infos sur l’ensemble du travail de la Compagnie : https://www.compagniepetitgrain.com/


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