Raphaëlle Boitel a créé sa Compagnie L’Oublié(e) en 2012 et depuis avec ses complices Tristan Baudoin à la lumière, scénographie et collaborateur artistique et Arthur Bison à la musique, elle nous entraîne dans son univers d’ombre et de lumière qui mêle les arts : cirque, danse, théâtre, cinéma. On avait adoré La Chute des Anges, dystopie fascinante qui nous plongeait dans un monde inquiétant. Dans son nouveau spectacle, Ombres portées, elle recourt en plus au langage, nouveau matériau qui s’entremêle parfaitement à la chorégraphie.
Le premier tableau est époustouflant : une jeune femme (Vassiliki Rossillion) suspendue dans les airs surgit de l’obscurité en se balançant sur une corde volante et en multipliant des acrobaties avec une rage impressionnante. Elle nous raconte un rêve récurrent de son enfance qui se termine toujours dans une cave. On comprend qu’un terrible secret la ronge. K, puisqu’elle s’appelle comme le personnage du Procès de Kafka, veut briser les non-dits, déchirer les ombres pour aller vers la lumière. Raphaëlle Boitel a choisi d’inscrire son histoire dans la famille : trois sœurs, K, la sœur qui se marie (Alba Faivre), la jeune sœur (Tia Balacey), le frère (Mohamed Rarhib), le père (Alain Anglaret), et le marié ( (Nicolas Lourdelle, complice également de la technique en création). Les tableaux s’enchaînent mêlant scènes d’une extrême tension dramatique et tragique et rares scènes comiques, véritables bouffées d’air.
Les quatre artistes circassiens (Vassiliki Rossillion, acrobate aérienne ; Alba Faivre, spécialiste de la corde raide ; Mohamed Rarhib, acrobate et danseur et Tia Balacey, acrodanseuse) sont tous exceptionnels et spectaculaires. Dans une chorégraphie parfaitement réglée, les corps se cherchent, s’évitent, se débattent, essaient de s’extraire des cordes, des sangles, d’aller vers la lumière. Les lumières de Tristan Baudouin nous plongent dans une atmosphère mystérieuse et poétique. Les personnages sont engloutis par l’obscurité ou emprisonnés dans des carrés de lumière. Les effets stroboscopiques les désarticulent à l’image des non-dits. La musique d’Arthur Bison aux accents rock et électro se fait l’écho de la tragédie familiale.
Raphaëlle Boitel nous offre de nouveau un spectacle fascinant superbement chorégraphié qui mêle les arts vivants.
Frédérique Moujart
Du 5 au 23 novembre, du mardi au vendredi à 19 h30 et le samedi à 18h – Théâtre Silvia Monfort, 106 rue Brancion, Paris 15ème – Réservations : 01 56 08 33 88 ou e-billetterie du Montfort – Le 5 décembre à La Faïencerie, scène conventionnée de Creil (60) – Du 23 au 24 janvier 2025 à La Passerelle, scène nationale de Gap (05) – Du 28 au 29 janvier 2025 au Théâtre Durance, scène nationale de Château-Arnoux-Saint-Auban (04) – Du 6 au 7 février 2025 au ZEF, scène nationale de Marseille (13) – Du 19 au 23 février 2025 au Théâtre des Célestins, Lyon (69)
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