Pavarotti en préambule, rideau baissé, nous sommes à l’opéra. Après cette cérémonie d’ouverture très colorature, les jeux peuvent commencer. Starting-blocks, haies de saut, couloir de courses, sprint ou de fond, maillots colorés et dossards, bâton de relais… Tout y est mais nous n’y sommes pas encore. Ici et maintenant, c’est seulement une allégorie. La scène peut alors figurer un stade d’athlétisme ou même un palais omnisport où toutes les disciplines olympiques seront symboliquement convoquées, présentées en dynamique ou en statique, mimées avec précision, un peu caricaturées mais toujours très chorégraphiées et bien sûr dansées avec éclat.
Olympiade est une proposition aussi audacieuse qu’éblouissante du collectif KOR’SIA. Leurs créateurs Antonio De Rosa et Mattia Russo ainsi que leurs directeurs artistiques associés Giuseppe Dagostino et Agnès López-Rio, nous proposent un magnifique ballet qui explore l’univers du sport dans le temps et l’espace, qui l’explore, l’expose et l’explose ! Le style chorégraphique est déjà ardent et musclé mais la dramaturgie de Gaia Clotilde Chernetich produit une sorte de déflagration de la sémiologie de la compétition sportive, en particulier des Olympiades qui rythment tous les quatre ans la médiatisation mondiale du sport. Avec finesse et intelligence, le spectacle présente une multitude de disciplines olympiques en en stylisant la gestuelle avec rigueur et beauté plastique, avec aussi suffisamment d’ironie et d’humour pour nous mettre à distance de l’idolâtrie du champion.
Cette distance est aussi historique. La chorégraphie nous donne à voir à la fois les origines antiques de l’athlétisme et ce que le sport a pu devenir dans l’esprit actuel de concurrence, avec sa dose d’arrogance et de rivalités exacerbées. Par moments, la scène est éclairée par un mur lumineux en fond de plateau. Les danseurs et danseuses se déplaçant devant, nous apparaissent alors en ombres chinoises, silhouettes noires se découpant sur le mur de lumière blanc ou orange. Ce sont alors les figurines noires des céramiques grecques contemplées dans les musées qui semblent s’animer ! Elles cessent d’être des représentations figées sur des poteries antiques et prennent vie devant nous. À d’autres moments, la lumière est celle de projecteurs et dans une demi-clarté, les affrontements, rivalités et défis des sportifs d’aujourd’hui s’incarnent en démonstrations musclées, en déploiements de force, gestuelles caractéristiques et postures arrogantes.
L’idéalisation du corps athlétique serait-elle devenue une religion du muscle ? Mais les tableaux se succèdent et les passages de relais s’accélèrent, c’est une débauche organisée d’exercices et d’épreuves, la danse devient la meilleure façon de signifier la complexité du sport, ses efforts physiques, ses tensions psychiques, ses enjeux de performance mais aussi sa recherche d’harmonie… La magnifique scénographie d’Eleonora Rodigari aidée de De Rosa et Russo, nous donne tant à voir et à penser, à remuer dans nos têtes – danse des neurones !
Et les danseuses et danseurs, ceux qui dansent avec leur corps ? En athlètes éphébiques ou compétiteurs acharnés, tous déploient une énergie folle avec puissance, précision et grâce ! Il faut absolument saluer la troupe du Ballet de l’Opéra Grand Avignon : Arnaud Bajolle, Sylvain Bouvier, Lucie-Mei Chuzel, Beryl de Saint Sauveur, Aurélie Garros, Joffray Gonzalez, Léo Khebi, Hanae Kunimoto, Tabatha Longdoz, Kiryl Matantsau, Marion Moreul et Ari Soto.
Olympiade est une création et ce soir-là en fut la première. La qualité du spectacle et les enjeux qu’il porte devraient lui offrir une belle carrière en cette année… érotique. Euh… non, olympique !
Jean-Pierre Haddad
Olympiade, Opéra Grand Avignon, Place de L’Horloge à Avignon, le samedi 24 février à 20h00.
Site des Hivernales : https://www.hivernales-avignon.com/agenda
Site officiel Collectif Kor’sia : https://www.kor-sia.com/
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