À 19 ans Suzanne part au Brésil pour y rencontrer son père qu’elle n’a pas vu depuis sa toute petite enfance. De lui, elle ne connaît que l’album de bossa nova qu’il avait offert à sa mère et les hurlements de celle-ci quand elle évoque sa décision d’aller le rencontrer à Rio. Ce voyage initiatique va la plonger dans un puzzle familial haut en couleur, entre sursauts du cœur, entre France et Brésil au temps de la dictature des Généraux.
C’est son histoire que l’actrice Suzanne Legrand nous raconte, une histoire avec ses secrets, ses amours empêchés et ses trahisons amoureuses. Comme le Brésil est le pays du samba (on apprend au passage que le mot samba est masculin) et de la bossa-nova , Suzanne Legrand va alterner narration et chansons de Vinicius de Moraes, qu’elle chante en portugais, accompagnée par son fils Arthur Gueyffier à la guitare et son ami Philippe Cortez aux percussions. Elle nous raconte son histoire avec humour, jouant tous les personnages, son amoureux franchouillard, sa mère fragile et excessive, son grand-père désireux de la séparer de son jeune amoureux brésilien, qu’il accueillait volontiers tant qu’il ne tombait pas amoureux de sa fille, les rapports compliqués de sa mère avec sa belle-mère et ses imprudences quand le régime des colonels s’installe à Rio et enfin le désastre du retour à Paris avec cette fille qui a quitté son père trop tôt pour le connaître.
La mise en scène de Justine Heynemann ne nous entraîne pas dans un Brésil de carte postale, mais ce sont des rideaux et des guirlandes de fleurs bleues, vertes et jaunes aux couleurs du Brésil, qui encadrent la scène avant de l’envahir. Elles rappellent les lianes et la végétation de la forêt brésilienne, généreuse mais envahissante et finalement fragile aussi, comme les amours juvéniles et cette mère instable.
Suzanne Legrand nous emmène de l’appartement familial parisien aux rues de Rio, des plages de Copacabana au bateau qui ramène sa mère en France. Elle apporte sur le plateau la Brésilienne qui sommeillait en elle avec ses sambas et ses bossa nova, les chansons et la danse, la joie, mais aussi la touche de mélancolie de la saudade qui imprègne les chansons de Vinicius de Moraes. Généreuse, elle invite le public à partager un jus de fruit, à l’accompagner aux maracas et même à danser le samba. Et elle y arrive, vous verrez c’est très facile, même dans l’espace étriqué du théâtre de la Huchette ! Et à la fin, elle réserve une jolie surprise à son public.
Un spectacle musical joyeux avec une touche de mélancolie bien adaptée aux temps actuels.
Micheline Rousselet
À partir du 21 novembre au Théâtre de la Huchette, 23 rue de la Huchette, 75005 Paris – mardi, jeudi, vendredi et samedi à 21h – Réservations : reservation@theatre-huchette .com ou 01 43 26 38 99
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu