 
Un garçon de neuf ans Taym arrive en France avec ses parents, fuyant la violence de leur pays. Le français qu’il entend pour la première fois lui semble du bruit, « un brouhaha ». A la maison ses parents se parlent en arabe, à l’école les enfants lui posent des questions, l’instituteur tente de lui parler lentement en découpant chaque syllabe, ce qui ne l’aide pas davantage. Alors un jour il ne supporte plus et il décide de fermer sa bouche à triple tour. Sa mère, son père, sa grand-mère restée au pays, ses camarades, ses enseignants tentent de le faire sortir de son mutisme sans succès jusqu’au jour où …
Dans le cadre du dispositif 4×4 porté par les Tréteaux de France, la metteuse en scène Tal Reuveny, elle-même arrivée en France il y a dix ans sans en parler la langue, a souhaité mettre en scène ce texte de Simon Grangeat. Il aborde la question des réfugiés sous l’angle non pas des difficultés administratives qu’ils rencontrent, mais sous celui du bouleversement que représente pour un enfant le fait de se retrouver dans un pays dont il ne parle pas la langue, coupé de sa culture, de ses mythologies et où le statut de ses parents a complètement changé. Les gens que rencontre Taym sont pourtant bienveillants, un maître qui lui donne un lecteur-enregistreur de cassettes, Gaspard, un garçon de sa classe qui l’invite à son anniversaire ou plus tard une maîtresse qui lui parle arabe et lui offre des petits livres bilingues. Mais il y a tous les souvenirs, sa mère, autrefois médecin, lui lisant des livres en arabe pour l’endormir et désormais parlant un français encore maladroit, la voix de son père, autrefois musicien reconnu, devenu veilleur de nuit, celle de sa grand-mère qu’il entend au téléphone. Ces voix on les entend sur le plateau où l’arabe se glisse entre le français, par la voix de sa grand-mère au téléphone, ou celle de son père musicien qui chante. Créant un univers poétique les bandes des cassettes où l’enfant garde toutes ces voix volent sous le souffle des ventilateurs ou évoquent les ondulations de l’eau si précieuse dans la chaleur syrienne. Elles se font aussi lien entre l’ici et là-bas, passerelle entre le français et l’arabe. Les créations sonores de Jonathan Lefèvre-Reich nous font voyager. L’acteur Omar Salem, d’origine palestino-algérienne incarne avec beaucoup de vérité Taym. Pantalon de survêtement et petit sac sur le dos, il raconte son histoire, avec l’air fermé de celui qui a choisi de se taire, qui s’enthousiasme pour courir au téléphone pour entendre sa grand-mère ou se cache sous un tissu pour épier les conversations de ses parents.
Cet enfant qui un jour avait décidé de se taire, peut-être pour reprendre le contrôle de sa vie, réussira à franchir le pont entre les langues. Il deviendra même français. Ce texte destiné à tous les publics, à partir de neuf ans, qui peut être joué partout, pas seulement dans des théâtres mais aussi dans des mairies, des écoles, des bibliothèques, est un très beau message à opposer à la droite xénophobe.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 25 octobre au Théâtre de la Concorde, 1-3 avenue gabriel, 75008 Paris – à 14h30 ou 19h – du 19 au 21 mars 2026 au MAIF Social Club, le 19 à 19h30, le 20 à 19h, le 21 à 11h
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu
