Benoît Séverac prend Versailles comme terrain d’expérimentation par l’opposition entre le château, luxueux représentant d’une bourgeoisie aristocratique sûre d’elle-même et de son bon droit face aux quartiers dits sensibles. Son personnage, le commandant Cérisol, est loin de James Bond – mais proche de Carella pour les lecteurs d’Ed McBain – marié à une jeune femme aveugle, adepte du handisport, en proie à une multitude de questions sur son travail de flic, sur ses relations avec sa jeune collègue au nom polonais imprononçable, sur son couple, pour nous le rendre proche et vivant. Les enquêtes elles-mêmes sont liées à des questions d’actualité en particulier sur la signification du développement personnel comme un facteur d’égoïsme total.

Tous les personnages existent, leurs motivations acceptables et leurs intrigues à la fois passionnantes et ridicules.

Deux enquêtes se superposent. La première, le suicide d’une jeune femme, belle et riche, enceinte d’un amant quasi invisible aux yeux des voisins, dont les raisons sont a priori irrationnelles, la deuxième porte sur la découverte d’un corps dans un cimetière dont la cause de la mort est le Covid. Pourquoi le corps a-t-il été transporté ? Où est-il décédé ? Pour découvrir le voyage de migrants fuyant leur pays pour échapper à la mort comme l’utilisation par la bourgeoisie locale des sans-papiers transformés en esclaves modernes. Un trio de clochards plus vrais que nature permettra de poser la question qui risque de se trouver sans réponse en fonction du statut social des propriétaires d’esclaves.

La troisième dimension de ce roman, la dépression de l’épouse du commandant et ses réactions très bien analysées comme un traité de psychologie. « Le bruit des pas perdu », le titre de ce polar, fait référence au temps et aux occasions perdues résonnant en nous expliquant mélancolie et dépression. Une réussite.

Nicolas Béniès

« Le bruit des pas perdus », Benoît Séverac, 10/18


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