Jag vient d’une famille populaire rurale blanche. Elle y revient, avec sa chienne Johnny qui va bientôt mourir. Elle parle de la maison où elle a grandi, de ce village où « il y a seulement des vaches et des fachos » et où « quand un magasin ouvre, c’est qu’un autre a fermé ». Elle dit cette famille où on crie, juste pour vérifier que l’autre est là, sa mère avec qui elle s’engueule, son beau-père violent « qui du point de vue émotionnel s’est arrêté en maternelle », son pépé et sa mémé tendres mais racistes, son oncle qui a arrêté de boire mais accumule les médicaments. Elle raconte la pauvreté, la violence, la culture télé, les anniversaires dans la salle des fêtes avec ces pains-surprises où seule diffère le type de charcuterie qu’on y met. Et puis il y a Johnny, sa chienne à la douceur consolatrice, mais dont le cœur va bientôt exploser.

Jessica Guilloud, dite Jag s’est associée à Laurène Marx pour écrire ce « stand-up triste ». Elles ont uni leur parler percutant, nerveux, rythmé, pour donner la parole à ceux que la honte sociale rend muets. Ce pourrait être une étude sociologique sur les traumas d’une transfuge de classe mais c’est vivant, brut, trash parfois, et c’est ce qui accroche les spectateurs en les laissant au bord des larmes.

Jessica Guilloud devant un micro dit ce texte comme dans l’urgence. Dans cette famille où l’on se parle peu, elle monologue et elle donne sa voix aux autres : sa mère qui l’engueule parce qu’elle a touché à l’autoradio, le berger à qui appartenait Johnny et qui voulait la tuer parce qu’elle ne pouvait plus courir derrière les moutons, la mémé qui rouspète sur l’odeur du couscous que prépare la voisine. Avec finesse elle pointe la stigmatisation de classe. Elle n’est pas passée dans le camp de la bourgeoise « qui veut prendre de la distance avec le malheur » mais, même si elle n’est plus dans le camp de ceux qui ont bossé toute leur vie sans sortir de la pauvreté, elle sait qu’ils sont sa famille et elle espère que le jour finira aussi par se lever pour eux. Jessica Guilloud, Jag, prend sa flûte traversière, joue et chante une chanson de Johnny Hallyday « Je te promets la vie de mes rires à mes larmes, je te promets une histoire différente des autres et même si c’est pas vrai, même si je mens … » et elle est bouleversante.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 15 novembre au Théâtre de la Reine Blanche, 2bis Passage Ruelle, 75018 Paris – les mardis et jeudis à 21h, les samedis à 20h – Réservations : reservation@scenesblanches.com ou 01 40 05 06 96 – Tournée : 16 avril 2026 au Théâtre Jean Vilar à Montpellier

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