
Sur l’affiche de la nouvelle saison de l’Opéra Grand Avignon, signée Théo Gosselin artiste associé, on peut voir un paysage urbain au couché du soleil. Sur le toit du véhicule, un homme debout. Il regarde le ciel orangé par-dessus la crête de constructions qui empêcheraient sa contemplation s’il était resté au sol… Au premier plan à gauche, une station-service où l’homme a dû faire le plein. Avant de repartir à vide, il a été happé par le spectacle l’incendie solaire qui perce le ciel à travers une couche de nuages. La photographie arrête le temps mais l’homme est lui entré dans une autre temporalité, un autre rapport au monde. L’image nous donne à voir un spectacle naturel vieux comme le monde mais avec une manière de le voir contemporaine, urbaine, inattendue, détournant les usages normaux. L’art a la puissance d’arrêter la circulation quotidienne des corps humains, sa vitesse, sa cécité dans la lumière des néons ou des écrans, pour nous faire regarder le monde, tout cours ou autrement. C’est ce que nous propose la nouvelle saison de l’Opéra d’Avignon baptisée Mythes, une saison mise en œuvre par Frédéric Roels, directeur inspiré de l’Opéra Grand Avignon depuis 2020.
Un paradoxe désormais connu exige de transiter par le passé pour voir le présent dans sa singularité. De même, il faut parfois passer par l’imaginaire pour saisir le sens du réel. C’est que que notre présent est né du passé et notre réel est pétri de fictions, filtré ou recréé par nos croyances ou mythes de toute sorte. C’est pourquoi Frédéric Roels nous propose cette année : « un bain dans ces mythes divers qui font sens dans l’idée du vivre ensemble, dans la communauté humaine. » Lui-même mettra en scène le Don Giovanni de Mozart en octobre. Attentive à l’ambivalence foncière du personnage instable de Dom Juan qui oscille entre l’attachement et la fuite, l’intimité et l’exposition publique, sa version de l’œuvre risque d’être vertigineuse, dissolvante, déstabilisante. Succomber à l’abîme ou choisir son destin ? Telle serait la question. Les mythes sont des phénix, ce Dom Juan en appelle un autre, celui de Molière qui n’a cessé d’être relu et réinterprété. En avril, Macha Makeieff nous proposera sa vision de la pièce, un Dom Juan plus subversif, mâle prédateur moderne plutôt que libertin scandaleux. Côté art lyrique, Orfeo de Monteverdi et tradition de janvier oblige, Falstaff de Verdien opéra participatif. Puis un Décaméron de Matteo Francheschini, compositeur en résidence, suivi de la terrible princesse chinoise du Turandot de Pucini. La saison se clôturera sur une Belle Hélène d’Offenbach envisagée comme une satire acérée d’une certaine élite sociale actuelle, dans une mise en scène d’Olivier Desbordes. Au total, dix productions lyriques sur l’année et trois ballets du chorégraphe de l’Opéra Grand Avignon, Martin Harriague, Promethée, America et Awen. Des concerts bien sûr, en particulier Le chant de la terre dans une version scénique proposée par Chloé Lechat, autre artiste en résidence ; des solistes lyriques comme la mezzo-soprano, Coline Dutilleul ou dans un tout autre genre, Avishai Cohen, figure mondiale du jazz. Plein d’autres choses encore comme les petits concerts gratuits du « Midi à l’Opéra » qui débute en fait, à 12h30 et durent une heure, une pause déjeuner idéale ! Des pièces de théâtre dont un Cyrano de Bergerac avec Édouard Baer dans le rôle-titre.
Ce n’est pas moins de 131 levers de rideau qui rythmeront cette saison de l’Opéra Grand Avignon, qu’il s’agisse de la salle historique de la place de l’Horloge à Avignon ou de l’Autre Scène de Vedène… Coté accessibilité sociale, la carte Club’opéra proposée au tarif de 20 € valable un an à compter de sa date d’achat, ouvre droit à une réduction de 20% sur tous les spectacles (sauf mention contraire), tous les tarifs et toutes les catégories de fauteuils, ainsi que sur toutes les actions culturelles (rencontres, classes magistrales, conférences, ateliers, etc.).
Impossible de rendre compte ici de toutes les propositions de la nouvelle saison de l’Opéra Grand Avignon qui fêtera en 2026 le bicentenaire de la Maison. Mais, il y a le site officiel (Cf. plus bas) et aussi la nouvelle brochure de saison qui réussit le pari d’être un recueil exhaustif d’informations sur les spectacles, les parcours artistiques et les actions en tout genre de l’Opéra, tout en étant d’une parfaite lisibilité et d’un plaisir de lecture assuré.
HOMMAGE A SAMIA SANDRI – UNE VOIX POUR LE LIBAN
La saison débutera le samedi 13 septembre à 11 heures dans le Grand Foyer de l’Opéra, par une rencontre en hommage à Samia Sandri pionnière de l’art lyrique au Liban. Sylviane Moukheiber, la fille de cette figure emblématique du chant lyrique au Liban, évoquera au moyen d’extraits sonores, d’images d’archives et de témoignages, la carrière de cette cantatrice qui voulait initier ses compatriotes à l’art de l’opéra. Elle le fit par son action pédagogique, des conférences, des émissions de radio et de télévision sur l’art lyrique ainsi qu’en faisant traduire certains grands opéras du répertoire occidental en langue arabe.
Événement dans le cadre de la Semaine Libanaise de la Ville d’Avignon – Avignon Terre de Culture 2025.
Entrée libre dans la limite des places disponibles.
Informations: https://www.operagrandavignon.fr/hommage-samia-sandri-une-voix-pour-le-liban
Jean-Pierre Haddad
DERNIERE MINUTE : La Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon recrute de jeunes chanteurs et chanteuses entre 7 et 17 ans. Réunion d’information et auditions d’entrée : Samedi 20 septembre 2025 à 10h00.
Opéra Grand Avignon, place de l’Horloge, 84000 Avignon et L’Autre Scène, avenue Pierre de Coubertin, 84270 Vedène. Informations et réservations : https://www.operagrandavignon.fr/#
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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