Elle est là dans la salle de classe, « la mère du Burt ». Comme on attend le professeur principal qui n’arrive pas, elle qui n’est jamais venue à ces réunions, qui est la mère d’un enfant qualifié de « difficile», elle parle, elle va chercher les « mots qui comptent, ceux qui sont tout au fond ». Elle raconte son fils conçu dans un cinéma alors qu’elle n’avait que dix-sept ans, à qui elle a donné le prénom de l’acteur qui jouait dans le film, qu’elle a élevé seule, et pour qui elle a rêvé d’un avenir différent du sien, un destin hollywoodien. Mais « les choses se passent pas tout à fait comme on les raconte ». Elle a tout essayé, quitté Sochaux pour Paris, envoyé des centaines de lettres à tout ce que compte le milieu du cinéma, puis a réduit ses ambitions en visant le court-métrage, elle a dépensé des fortunes en timbres, en photos pour des books, espéré les castings. Elle l’a traîné partout son Burt, grossissant au gré des repas avalés sur le pouce et qui n’en pouvait plus de honte face à cette mère qui jouait sa vie sur cette ambition pour lui. Elle a rêvé, elle a cherché à « sortir de la petite boîte » où elle et son fils étaient assignés. Et si à la fin….

Pamela Ravassard et la Compagnie Paradoxe(s) continuent un travail dans la lignée de leurs précédentes pièces (en particulier Courgette qui leur avait valu 7 nominations aux molières et 7 nominations aux Trophées de la Comédie musicale en 2024) sur la question des déterminismes sociaux, de la transmission et de la résilience. Zoom qu’elle met en scène et joue ici est une pièce de Gilles Granouillet, un auteur qui parle avec beaucoup de tendresse des laissés pour compte, maltraités par la société et même par les institutions sociales censées les protéger. Jugés, « mal notés », ceux qui, comme la mère de Burt, n’ont pas les codes, sont vite renvoyés à leur solitude et à leur statut social.

La metteuse en scène nous place dans une salle de classe avec ses chaises d’école alignées pour la réunion, où la mère de Burt va parler. Parler pour demander pardon, ce qui est un comble pour qui a été aussi maltraitée par la vie. Elle passe d’une chaise à l’autre, rit trop fort, mal à l’aise. Les chaises suggèrent aussi d’autres lieux, une salle de cinéma, une salle d’attente pour un casting, le bureau d’une assistante sociale ou de la principale. Une vitre sépare la pièce où elle est d’un couloir, qui mène ailleurs, une vitre où elle peut voir son propre reflet déformé par la pluie ou par ses larmes. Les lumières et la musique lui permettent de nous emmener dans ses références hollywoodiennes, Le Parrain, Indiana Jones, Sergio Leone, Star Wars, Bjork. Et c’est par la musique, là où elle ne l’attendait pas, que son fils arrivera à construire sa propre vie.

Seule en scène, Pamela Ravassard est la mère de Burt et elle est formidable. Touchante quand elle demande pardon aux éducateurs qui se sont occupés de son fils pas toujours facile, drôle quand elle dit qu’elle a vite appris à lire à l’envers pour déchiffrer ce que notent les assistantes sociales sur son cas, émouvante quand elle s’acharne à vivre son rêve d’avenir pour son fils. En colère ou désespérée, remuant ciel et terre pour aider son fils à sortir de « la petite boîte », riant trop fort, toujours à vif dans l’espoir, comme dans la déception, Pamela Ravassard campe cette mère hors-norme, qui se reproche de n’avoir pas su parler à son fils et aux autres, une mère pourtant formidablement aimante.

Une pièce qui dit beaucoup de choses sur notre société fracturée, sur les rêves fracassés de ceux qui ne sont pas nés au bon endroit, portée par une magnifique comédienne. Courez la voir, vous ne le regretterez pas !

Micheline Rousselet

Le dimanche 25 mai au Théâtre des Gémeaux Parisiens, 15 rue du Retrait, 75020 Paris Réservations : 01 87 44 61 11 ou billetterie@theatredesgemeauxparisiens.com – du 5 au 26 juillet dans le cadre du Festival Off d’Avignon au Théâtre Girasole à 10h

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