Qu’est-ce qui a intéressé Stanislas Nordey dans ce vaudeville de Georges Feydeau, lui que l’on connaît plus habitué des textes contemporains ? Il avait déjà monté La puce à l’oreille il y a une vingtaine d’années et souhaitait, après nombre de textes plus austères présentés pendant qu’il était directeur du Théâtre national de Strasbourg, revenir à un « théâtre de la joie, du vertige et de la sarabande ». La précision, la complexité des intrigues, la virtuosité du texte l’attiraient.

Comme Feydeau multipliait les didascalies pour préciser décors et accessoires, et que Stanislas Nordey nous place dans l’appartement moderne, blanc et dépouillé de meubles des Pinglet, celles-ci remplissent les murs du plateau. C’est là que nous croisons Monsieur Pinglet, las de sa vie conjugale avec une épouse « peu portée sur la chose », et sa voisine Madame Paillardin, qui se plaint d’un mari trop occupé par son travail d’architecte pour « s’intéresser à la chose ». Une phrase en entraînant une autre Monsieur Pinglet propose à Madame Paillardin de se retrouver à l’hôtel et un prospectus publicitaire les conduit à l’Hôtel du Libre-Échange, qui s’avère être un hôtel de passe au décor rouge fané. Il n’y sont pas seuls ! S’y retrouvent aussi Monsieur Paillardin venu là pour son travail, une relation des Pinglet, Mathieu accompagné de ses quatre filles, tout juste sorties d’un couvent à Valenciennes, Lucienne, la bonne des Pinglet venue là pour déniaiser le neveu de Paillardin. Tout ce petit monde va chercher à s’éviter, multipliant les entrées et sorties, et bien sûr c’est seulement l’insatisfaction sexuelle qui sera au rendez-vous.

Les interprètes sont plutôt convaincants, même si la diction de Cyril Bothorel (Pinglet), projetant sa voix et articulant presque chaque lettre, apparaît trop inspirée par celle de Stanislas Nordey. Sa longue silhouette, ses mouvements de bras, son impatience créent une opposition comique bienvenue avec le petit gabarit de Marie Cariès en Marcelle Paillardin, beaucoup plus hésitante. Hélène Alexandridis incarne Angélique Pinglet, stoïque au milieu d’une tempête à laquelle elle ne comprend rien, et Claude Duparfait donne chair au névrosé et bourré de tics Paillardin.

Restent un certain nombre de bémols. Des choix faits par le metteur en scène, le scénographe Emmanuel Clolus et le créateur de costumes Raoul Fernandez interrogent. D’où sortent cette tête d’autruche un peu terrifiante qui occupe brusquement le mur du fond de scène et ces costumes qui transforment en volatiles les personnages lorsqu’ils sont à l’Hôtel du Libre-Échange ? Le metteur en scène parle de « hasard des recherches » et de « résonner avec la folie de Feydeau ». Cela ne convainc pas vraiment ! Reste la mécanique de précision de Feydeau, ces rebondissements en cascade que Stanislas Nordey réussit plutôt bien. Pourtant on ne rit pas autant qu’on l’aurait espéré car la pièce apparaît désormais datée et sa misogynie crasse encore plus !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 13 juin à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Place de l’Odéon, 75006 Paris – du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h – Réservations : www.theatre-odeon.eu ou 01 44 85 40 40

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