Le metteur en scène Guy-Pierre Couleau met en scène six histoires, issues du recueil Le Cœur populaire écrit par Jehan-Rictus en 1913, des histoires de petites gens, de miséreux. Avec des mots qui bouleversent, le poète évoque la société de la fin du XIXème siècle avec ses énormes inégalités sociales, ces bourgeois qui se sont enrichis et se gobergent tandis que les classes inférieures triment, et vivent dans la zone et que, encore en-dessous, les femmes sont envoyées pour un oui pour un non à la Prison de Saint Lazare quand elles ne succombent pas sous les coups de leur compagnon. Dans une langue populaire, dont la beauté sombre nous empoigne, il dit la misère des enfants qui rêvent de jouets tandis que le fils de l’épicier les menace de dire à son père de leur couper le crédit, la frousse de deux petites filles guettant le bruit des pas du père qui, rentrant saoul, va frapper leur mère et les « choper, les pincer, les farfouiller », les promesses mensongères d’un jeune malfrat à la jolie fille qu’il veut séduire ou la complainte de la vieille mère pour son fils guillotiné.

Le metteur en scène a choisi de laisser toute la place à la comédienne, la plaçant dans un espace vide sans meubles ni accessoires avec seulement deux groupes de bougies. La lumière, parfois plus chaude parfois dure et glaciale, offre des clairs-obscurs qui rappellent Le Caravage et laissent à l’imagination du spectateur le loisir de se projeter à partir du texte, des « fortifs » aux taudis ou à l’église. La musique contemporaine, qui introduit chaque nouveau poème dont le titre s’écrit en lettres blanches sur le mur du fond de scène, propose des moments de respiration à la comédienne.

Agathe Quelquejay se met au service de cette langue haute en couleur, qui dit, avec des mots simples, la vérité de la violence faite aux exploités et aux plus faibles d’entre eux, une vérité qui résonne toujours aujourd’hui. Vibrante, incandescente, irradiante, la comédienne passe de la joie naïve à la tristesse solitaire, magnifiant la musicalité des octosyllabes du poète. Avec sa voix, ses mains, ses mouvements, son visage nu elle devient ces enfants ou ces femmes victimes des injustices et des coups. Elle nous perce le cœur, elle est sublime.

Micheline Rousselet

Le 4 mai à 16h45, le 10 mai à 15h et le 17 mai à 20h au Théâtre des Gémeaux Parisiens, 15 rue du Retrait, 75020 Paris – Réservations : billetterie@theatredesgemeauxparisiens.com ou 01 87 44 61 11 – Festival Off d’Avignon, du 5 au 26 juillet, Théâtre du Balcon à 10h (relâche les 10, 17 et 24) – le 28 juillet au Festival de Sarlat – le 30 juillet au Festival de Jarnac

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