Moreau, ancien cadre supérieur victime d’un licenciement économique devenu vigile dans un hypermarché, a surpris le vol d’un flacon de parfum par une caissière. Le problème est qu’il s’agit de l’ancienne nounou de sa fille Suzanne. S’il la dénonce, en dépit de ses trente ans d’ancienneté, elle perdra son poste. S’il ne le fait pas, compte-tenu que les caméras de surveillance ont filmé la scène, c’est lui qui le perdra. Pour sa fille il n’est pas question qu’il le fasse. Au père et à sa fille s’ajoutent une enquêtrice, représentante de la loi, mais que la transgression tente beaucoup, le directeur de l’Tisser avec humour la vie et l’œuvre du divin Will hypermarché en pleine crise et un personnage tout droit sorti d’un tableau du Caravage !

La Compagnie Hercub’ s’intéresse à des pièces, écrites par des auteurs vivants, qui interrogent nos comportements sociaux au croisement du social, du politique et de l’intime. Pour cet opus, elle a passé commande à Gilles Granouillet qui a concocté à sa façon « une farce socio-familiale » autant qu’un « polar mystique » puisqu’il y est aussi question de La vocation de Saint Matthieu, la célèbre et sublime peinture du Caravage exposée à l’église Saint-Louis des Français à Rome. Derrière une apparente légèreté la pièce aborde de nombreuses questions sur la violence du monde de l’entreprise, sur nos besoins irrationnels de consommer, sur la précarité et ce qu’elle impose comme choix moraux à ceux qui en sont victimes, sur le regard des enfants sur leurs parents, sur les dilemmes entre justice et devoir, survie matérielle et respect des valeurs que l’on a choisies.

Tout commence avec Moreau et sa fille, faisant fi du quatrième mur pour s’adresser directement au public, afin de lui raconter l’histoire qui leur est arrivée et a transformé leur relation de père à fille. Les metteurs en scène, Michel Burstin, Bruno Rochette et Sylvie Rolland nous entraînent ensuite dans un flash-back où on passera, par le biais d’un rideau de plastique, de l’appartement de Moreau et sa fille, à la salle de sécurité de l’hypermarché où Moreau interroge Madame Dos Santos, la coupable du vol, ou au bureau de l’enquêtrice. On s’envole aussi du réel à l’imaginaire. On accompagnera même Monsieur Jeancolas, le directeur de l’hypermarché fan de foot, sur le stade de Saint-Étienne (d’où justement est originaire l’auteur Gilles Granouillet !) avec ses pom-pom girls !

Philippe Awat (Monsieur Jeancolas, Matthieu et le comédien), Bruno Rochette (Moreau), Sylvie Rolland (l’enquêtrice) et Erine Serrano (Suzanne) sont pleins de fougue et très convaincants.

Parler avec légèreté de choses graves, faire entendre sans crier ce combat social où père et fille vont s’allier au service des déchus, et ne pas oublier derrière la farce, la poésie de l’imaginaire. Une jolie réussite.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 avril au Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, 75011 Paris – du mercredi au samedi à 21h15 – Réservations : 01 48 06 72 34 ou theatredebelleville.com –

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