
Pour fuir la violence politique, le Malien Bakary a dû quitter son pays. Il s’est retrouvé à travailler sur les docks de Marseille. Menacé d’expulsion après une altercation avec son chef d’équipe, il est libéré grâce à l’intervention d’un pasteur et se retrouve embauché chez Peugeot à Sochaux. Cathy, lesbienne parisienne diplômée, milite à la Gauche Prolétarienne et décide, en suivant les indications du Président Mao, de « s’établir » à Sochaux pour se rapprocher de la classe ouvrière et la mobiliser pour faire advenir la révolution. La lutte contre les cadences infernales et les intimidations des contremaîtres et de la direction les retrouve côte à côte. La grève a bien lieu mais quand le travail reprend, visés par une enquête ils doivent fuir. La révolution n’a pas eu lieu.
L’indestructible, c’est la Peugeot 504, icône des Trente Glorieuses, dont la présence est suggérée par un dispositif vidéo et par des organes de cette voiture, pneus, sièges. S’inspirant du livre de Robert Linhart L’établi, qui racontait son expérience de jeune normalien maoïste établi dans les usines Citroën à la fin des années soixante, Manon Worms et Hakim Bah, auteurs et metteurs en scène venus l’un de France et l’autre de Guinée, ont voulu écrire une fiction qui parlerait d’un temps qui appartient désormais à l’histoire. En ce temps-là l’automobile était l’industrie reine, les luttes ouvrières y servaient de modèle pour tous et Français et immigrés y combattaient ensemble. En outre c’était un temps où les luttes féministes et homosexuelles s’organisaient.
Avec un plateau plongé dans le noir le spectateur se concentre sur les sons et quelques lueurs qui évoquent la chaîne, des pièces de carrosserie que l’on imagine plus qu’on ne les voit et ces sons répétitifs et presqu’inquiétants. La dureté du travail et l’accélération des cadences sont suggérées avec une économie de moyens remarquable et pourtant d’une forte efficacité. Six comédiens et comédiennes, dont un originaire d’Afrique de l’Ouest et un du Maghreb, s’emparent de la narration et des dialogues entre les personnages.
En proposant ce récit du passé, la pièce nous invite à nous interroger sur notre capacité à résister aux défis d’aujourd’hui. Il y est question d’espoirs et d’échecs et en ce sens elle nous parle toujours. La précarisation du travail et sa pénibilité ne se sont pas réduites, la mondialisation des chaînes de valeur et les crises économiques ont réduit la force des luttes ouvrières et une partie du monde ouvrier s’est tourné vers le Rassemblement national qui dénonce l’immigration. Il est donc plus que jamais nécessaire de proclamer encore et toujours l’utilité de la résistance et de la solidarité.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 8 février au Théâtre de la Cité Internationale, 17 boulevard Jourdan, 75014 Paris – lundi et mardi à 20h, jeudi et vendredi à 19h, samedi 18h, relâche mercredi et dimanche – Réservations : 01 85 53 53 85 ou theatredelacite.com
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