Il y a deux cents ans, à une époque où l’opéra était l’apanage des promoteurs privés, la municipalité d’Avignon décidait d’ouvrir un théâtre public place de l’Horloge et de promouvoir la valeur de la culture en tant que service d’intérêt général. Lors de la première saison en 1825, une œuvre d’un enfant de Cavaillon fut donnée, Les Folies amoureuses de François-Henri-Joseph Blaze, dit Castil-Blaze (1784-1857). Ce provençal défenseur de la langue d’Oc, composait dans le style de l’époque mais proposait également des arrangements musicaux d’œuvres de maîtres. Programmé dans le cadre du bicentenaire de l’Opéra Grand Avignon, ce petit bijou musical nous transporte au gré de certaines des plus belles pages lyriques de Mozart, de Rossini ou encore de Cimarosa.

Avec la verve typique du début du XIXe siècle, ce curieux opéra nous raconte par la plume de Jean-François Regnard (1655-1709), les aventures de la jeune Léonore âgée d’à peine quinze ans et bien décidée à ne pas se laisser épouser par son incommodant tuteur Albert trois fois plus vieux qu’elle. Elle préférerait convoler en justes noces avec le beau Valcour. Voltaire disait de cet auteur comique « Qui ne se plaît pas avec Regnard n’est pas digne d’admirer Molière. »

Rendre hommage au passé n’empêche pas la prise de conscience. L’expression de « folie amoureuse » ferait scandale aujourd’hui puisqu’elle pouvait désigner des actes de domination masculine allant de pédocriminalité au rapt en passant par le mépris du consentement. Est-ce à dire qu’il ne faudrait plus jouer l’œuvre ? Il est plus intelligent de le faire avec une distanciation critique car ça peut devenir une leçon édifiante (sans parler de la musique). Derrière l’apparence de cette insouciante comédie des siècles passés, c’est tout un système qu’il convient de mettre au jour et de démasquer : ce à quoi s’attellent la metteuse en scène Chloé Lechat et son équipe, avec un regard résolument contemporain et distancié. En s’amusant des Folies, il ne s’en agira pas moins de prendre conscience de leurs mises en garde : sur la liberté précaire des femmes, sur l’absolue nécessité du consentement et sur les violences qui règnent jusque dans l’intimité. Une œuvre à valeur de manifeste pour porter haut les couleurs d’une société où triomphe le respect de toutes.

Opéra-bouffon en trois actes de Castil-Blaze d’après Régnard. Musiques de Mozart, Weber, Rossini, Cimarosa, Paer, Pavesi, Steibelt. Mise en scène, décors et costumes Chloé Lechat. Alan Woodbridge dirigera le Chœur de l’Opéra Grand Avignon. Les costumes et perruques sont réalisés dans les Ateliers de l’Opéra Grand Avignon. Au piano Benjamin Laurent. Léonore sera interprétée par Eduarda Melo, Lisette par Fiona McGown et Valcour par Fabien Hyon.

Jean-Pierre Haddad

Opéra Grand Avignon. Place de l’Horloge, 84000 Avignon. Samedi 1er février à 20h. Informations et réservations : https://www.operagrandavignon.fr/les-folies-amoureuses-castil-blaze

Salle des préludes de l’Opéra : 45 minutes avant la représentation, un éclairage sur l’œuvre. Entrée libre sur présentation du billet de la soirée.


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