Masako Togawa (1931-2016), pour son premier roman publié en 1962, « Le passe-partout », a été immédiatement reconnue comme une autrice qui compte. Elle met en scène, un peu à la manière de Perec, une résidence, appelée « K », qui abrite des femmes célibataires et dans laquelle les hommes sont interdits. Chaque femme a un secret, une vie et une curiosité vis-à-vis des autres locataires jamais satisfaites. Toutes ont un hobby, des coutumes pour se donner l’impression d’exister.

L’enlèvement d’un enfant fait bouillonner les esprits comme l’arrivée d’une nouvelle religion qui interroge sur l’espionnage dont ces locataires sont l’objet, en même temps que sur leur libre arbitre. La nécessité de faire bouger l’immeuble, à cause de travaux, servira de compte à rebours, une manière de compter le temps sans vraiment le faire donnant une sensation d’éternité. Le dévoilement final ressemble à un coup terrible d’un destin que personne n’a choisi comme le changement de lieu.

Ces femmes, dans leur enfermement, sont les laissées-pour-compte de cette société qui déjà ne raisonnait qu’en terme de rentabilité pour définir la place sociale.

Une lecture addictive à la fois pour le scénario « policier », sans vraiment d’intervention de la police sauf à la fin pour les arrestations, et pour l’étude sociologique. Elle m’a fait penser à cette déclaration du PDG de Sony dans le milieu des années 1980 « Notre arme économique secrète la surexploitation des femmes » ! Une grande romancière !

Nicolas Béniès

« Le passe-partout », Masako Togawa, traduit par Sophie Refle, Folio/Policier


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