L’autrice de la pièce, Anna Fournier, a participé aux créations du Birgit Ensemble de Julie Bertin et Jade Herbulot. Elle interprétait Angela Merkel dans leur pièce sur la crise grecque. Il se trouve que, bien que ne partageant pas ses idées, le personnage de la chancelière la fascinait par sa personnalité secrète, son mode de vie modeste, son calme, sa pondération, son sens politique aigu et sa façon de défendre sa place de femme dans un monde politique dominé par les hommes. Dans notre monde politique encombré par les jeux de pouvoir personnel, d’affaires et de sexe, cette chancelière tout attachée à sa tâche politique, avec son allure de madame tout le monde, austère et éloignée du bling-bling et des caprices des princes, rentrant tard le soir auprès de son mari pour un dîner fort simple, ne pouvait qu’interroger.

Anna Fournier nous raconte l’histoire d’Angela Merkel, celle que les Allemands appelaient « Mutti » et dont elle dit : « comme une mère, je l’aime et elle m’énerve » ! Pour Angela Merkel, docteur en physique, née et vivant en Allemagne de l’Est, l’aventure politique ne commence qu’après la chute du Mur. Elle devient la protégée d’Helmut Khol, puis va gagner sa place, en se dégageant de la tutelle des « dinosaures » du parti, et la défendre avec sang-froid. Sous-estimée au départ, celle que l’on considérait comme lente, parce qu’elle prenait le temps de réfléchir, a fini par tuer tous ceux qui se sont mis entre elle et le pouvoir au point de rester Chancelière durant seize années. En faisant son portrait avec humour, ironie, sensibilité c’est aussi dans l’histoire de l’Allemagne, des relations du couple-franco-allemand et des relations de l’Europe avec les États-Unis et la Russie qu’Anna Fournier nous entraîne.

Anna Fournier (en alternance avec Candice Bouchet) avec un léger accent allemand avec une petite veste rouge un peu étriquée incarne la Chancelière mais aussi une vingtaine d’autres personnages, de la conseillère qui va la convaincre de changer un peu son look à Nicolas Sarkozy, de son directeur de cabinet à François Hollande, Vladimir Poutine, Bill Clinton, Alexis Tzipras et bien d’autres. Les transitions sont plutôt bien assurées, un air de sirtaki nous introduisant dans la crise grecque ou le temps du muguet chanté en russe comme une madeleine de Proust pour son voyage en Russie. On peut juste regretter une intervention en Chancelier Bismarck peu nécessaire.

Au fil de ces rencontres apparaît une femme capable de quelques compromis, aussi bien sur des futilités que sur les questions politiques, à condition qu’ils ne l’obligent pas à passer la ligne rouge qu’elle s’est fixée. Plus de pantacourts-chaussettes et à la place un tailleur pantalon et des vestes de couleur, d’accord, mais jamais de talons hauts, ces « instruments de torture » imposés aux femmes. Terrorisée par le chien de Poutine, que celui-ci a mis en scène car il connaît sa phobie des chiens, elle trouve malgré tout le sang-froid de l’interroger sur Anna Politkovskaïa. Poutine était mieux informé que Nicolas Sarkozy, qui lui dit de dire bonjour à Monsieur Merkel, alors que ce n’est pas le nom de son mari ! Les portraits de ses interlocuteurs sont percutants, de l’agitation de Sarkozy à la froideur d’Obama, pourtant si charmeur en public, mais qui l’avait trouvée trop dure avec les Grecs lors de la crise financière, avant de s’incliner plus tard devant son sens politique, du cynisme froid et dominateur de Poutine à la bêtise consternante de Trump.

Pendant près d’une heure et demie, le rythme ne faiblit pas, on rit souvent et on se passionne pour cette femme politique complexe et déterminée qui certes n’est pas un ange, mais a le sens de ce qu’elle considère comme l’intérêt du pays. Ce n’est pas anodin lorsqu’on vit en France aujourd’hui !

Micheline Rousselet

À partir du 5 septembre à La pépinière Théâtre, 7 rue Louis Le Grand, 75002 Paris – du jeudi au samedi à 19h – Réservations : 01 42 61 44 16 ou www.theatrelapepiniere.com

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