Lorsque ses parents s’installent avec Farah dans une communauté, la fillette de douze ans est séduite par la découverte d’un monde qu’elle considère comme moins toxique que sa famille. Le maître des lieux, Arcady, prône la liberté, la tolérance, l’amour de la littérature, le plaisir et accueille et valorise des cabossés de la vie aussi divers que variés. Sarah grandit à Liberty House. A l’adolescence, elle découvre le désir, elle est amoureuse d’Arcady. En même temps elle observe les transformations étranges de son corps qui n’est plus tout à fait féminin ni tout à fait masculin. Farah observe le monde qui l’entoure avec un regard incisif et beaucoup d’humour, aussi bien sa famille que le monde libertaire où elle vit, car ce monde utopique se fracasse quand apparaît un migrant.

Emmanuelle Bayamack-Tam a eu en 2019 le Prix du livre Inter pour ce roman. Elle dit « abhorrer les classifications, les assignations » et peint des personnages « outranciers, atypiques, difficiles à dénommer, à caser ». À ce titre l’adolescence, une période où le corps se transforme parfois de façon extrême et inattendue, l’intéresse particulièrement. Enfin elle élargit sa famille, au-delà de ceux qui lui sont liés par les liens du sang, aux grands auteurs de la littérature. On retrouve dans Arcadie tous ces thèmes : les métamorphoses du corps, les troubles du genre, le désir, la recherche des réponses aux questions que l’on se pose dans la littérature. On y croise aussi la ruine d’une utopie quand la communauté se referme brusquement sur son cercle de privilégiés et finit dans le drame. Là encore l’autrice refuse les assignations. Farah garde toute sa tendresse pour cette communauté et pour Arcady, ne condamnant pas l’emprise dont elle-même a pourtant été victime.

Sylvain Maurice met en scène la pièce, jouant surtout des lumières (Rodolphe Martin) et des costumes. Farah se cache dans un anorak trop grand pour elle pour cacher les transformations de son corps qui l’inquiètent, des lumières stroboscopiques accompagnent son départ et elle apparaît désormais en petit short lamé argent, bottines rouges et petites ailes d’ange noir et rebelle. Elle ne sait toujours pas qui elle est mais elle se sent libre et pleine d’envies.

Constance Larrieu incarne Farah, mais elle est aussi ses amis de la communauté, la cuisinière, le peintre, Arcady ou enfin la gynécologue qui lui assène brutalement qu’elle n’a pas d’utérus et une pilosité très masculine. Elle porte l’humour caustique, la sensibilité à fleur de peau, les inquiétudes de Farah à la recherche de qui elle est et enfin sa liberté conquise. Elle est troublante et forte.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 30 novembre au Théâtre de Belleville, 16 passage Pivert, 75011 Paris – en septembre : mercredi, jeudi et vendredi à 19h15, samedi à 21h15, dimanche à 15h – en octobre et novembre : mercredi et jeudi à 19h15, vendredi et samedi à 21h15, dimanche à 15h – Réservations : 01 48 06 72 34 ou theatredebelleville.com

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