Déterminée, engagée, intraitable pour sauvegarder sa liberté, extravagante, usant de toutes ses armes, « sa voix d’or », sa beauté, sa présence, son audace, Sarah Bernhardt reste exceptionnelle et ses obsessions résonnent encore de nos jours. Forte, ambitieuse, libre, elle ne s’est pas construite à l’ombre des hommes, elle a su résister aux injonctions de son temps et aux douleurs de la vie. Refusant qu’on l’enferme dans un genre ou dans un rôle, elle s’est imposée à force de travail sur toutes les scènes, a claqué deux fois la porte de la Comédie Française, a été jouer jusqu’au Far West, a créé, vêtue en homme, L’Aiglon qu’Edmond Rostand avait écrit pour elle et a continué à jouer avec une jambe de bois après avoir été amputée ! Adulée par certains, haïe par quelques autres, rien n’arrêtait celle que l’on surnommait « la divine » ou « la scandaleuse » et qui avait choisi comme devise « Quand même ». Engagée elle le fut, soutenant des artistes, créant un hôpital dans le théâtre de l’Odéon pendant la guerre de 1870 ou défendant Dreyfus, en dépit des attaques antisémites qu’elle a subies. Elle sut aussi construire son propre mythe, affirmant qu’elle dormait dans un cercueil.

La comédienne et metteuse en scène Géraldine Martineau a été fascinée par le destin et la personnalité exceptionnels de Sarah Bernhardt. Elle la raconte dans un spectacle musical enlevé qu’elle met en scène, dans les ors et le velours rouge du Théâtre du palais Royal, qui sied d’autant plus au personnage que son directeur, Sébastien Azzopardi, se trouve être un descendant de « la divine ». Géraldine Martineau la fait entendre et voir, drôle, fantasque, libre, résistant à sa mère qui la prie « d’être gentille avec les messieurs », refusant de se laisser abattre par son échec à sa première audition, balayant peu à peu tous les obstacles jusqu’à devenir « la divine ». Sa vie ne fut pas qu’un chemin pavé de roses, mais elle savait résister, même à Victor Hugo, pour lequel elle créa le rôle de la Reine dans Ruy Blas. Sa vie sentimentale fut peu réussie et son fils, qu’elle avait élevé seule, dépensait au jeu ce qu’elle avait gagné au théâtre, mais l’actrice incarna le théâtre et en créa même un qu’elle dirigea et qui porte aujourd’hui son nom. À la fin de la pièce, la vidéo de ses funérailles, dignes des plus grands chefs d’État, apparaît à la fois comme un magnifique hommage au théâtre et à celle qui le servit si bien.

Parmi les dix artistes qui interprètent les trente-cinq personnages, accompagnés par deux musiciens (Florence Hennequin et Bastien Dollinger), il faut particulièrement relever la performance d’Estelle Meyer, à la fois chanteuse et comédienne. Elle n’a pas la « voix d’or » de Sarah Bernhardt, mais sa voix de mezzo un peu rauque épouse toute la sensibilité d’une femme à l’ironie caustique, qui s’est battue toute sa vie pour être libre, et dont le message garde toute sa force : « Soyons libres et insoumises, ne nous résignons jamais ».

Micheline Rousselet

Jusqu’au 31 décembre au Théâtre du Palais Royal, 38 rue de Montpensier, 75001 Paris – du mardi au samedi à 20h30 jusqu’au 6 octobre, puis en alternance avec Edmond à partir du 8 octobre (dates et horaires précisés sur theatrepalaisroyal.fr – Réservations : 01 42 97 40 00 ou resa@theatrepalaisroyal.com

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