Cofondateur avec Louis Arene du Munstrum Théâtre, qui a remporté le Molière du Théâtre public cette année pour 40° sous zéro, Lionel Lingelser a collaboré avec Yann Verburgh à l’écriture de cette autobiographie fictive qu’il met en scène et joue en en faisant une leçon de théâtre magistrale. Alsacien il a grandi dans la ferme de son grand-père où, au XIXème siècle, deux enfants considérés officiellement comme possédés ont été exorcisés par l’Église. Il est devenu comédien comme si la possession était toujours là, celle du comédien qui entre dans le corps d’un autre pour s’abandonner à son personnage.

Lionel Lingelser arrive par la salle, couronne de carton sur la tête, frappant avec force sur un tambourin et cavalcadant comme un roi sur son cheval. Il va être l’enfant subtilisant les robes de sa mère pour jouer la comédie sous les remarques acides de son père lui prédisant qu’il va devenir homosexuel, puis l’adolescent excellant au basket mais victime d’abus sexuels de la part du fils de son entraîneur. Il va surtout être le comédien qu’il rêve d’être, tentant de jouer Les fourberies de Scapin sous la direction d’un metteur en scène colombien, qui se prend pour un génie et ne cesse de l’interrompre pour le critiquer et l’accabler de citations d’Artaud ou de Lorca en lui disant de chercher le duende. A la recherche de ce duende son périple va le mener dans le cauchemar de l’enfer peuplé d’une foule de démons. Il croisera même la Sainte Vierge égarée en enfer, mais elle a une excuse, on est samedi soir !

Lionel Lingelser entraîne le public dans sa folle cavalcade, de l’enfant souffrant longtemps d’énurésie, qu’une couronne de carton, un drap noir sur les épaules et une épée de bois à la main suffisent à transformer en Prince, au comédien qu’il est devenu. Sans décor, sans accessoires, sauf sa couronne et sa cape vite abandonnées, il campe tous les personnages, le jeune comédien, transpirant derrière ses doigts posés comme un masque que le metteur en scène lui impose et ce metteur en scène imbu de lui-même qui le maltraite, le curé à l’accent alsacien qui organise une excursion, le jeune sportif à la veille d’un match important et sa mère naturopathe aimante mais foldingue. Un geste de la main, un déplacement preste, un accent lui suffisent pour glisser de l’un à l’autre. Le jeu est précis, énergique. Un changement de ton et on passe du comique ou du grotesque à l’émotion. L’acteur incarne magnifiquement ce personnage capable de surmonter les épreuves du passé pour se se plonger dans la joie de jouer. Il court, il vole, il rayonne, il éblouit. C’est une apologie du théâtre et le triomphe d’un comédien auquel on assiste. Le public ne s’y trompe pas en l’ovationnant debout au fil d’innombrables rappels.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 1er juin au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au vendredi à 19h30, samedi à 18h30 – Relâche les dimanches et lundis – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr

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