La nouvelle de Stefan Zweig, largement autobiographique, raconte l’histoire d’un couple qui a fui la guerre. Il est artiste et a été, avant la déclaration de guerre, déclaré inapte au service. Pourtant quand la guerre éclate, il reçoit une convocation pour être enrôlé. Il est pacifiste, sa femme l’exhorte au nom de la paix et de la liberté de l’artiste à refuser de s’y rendre. Elle lui dit « on peut appartenir à son peuple, mais quand il devient fou, on n’est pas obligé de le suivre ». Il se dit qu’il doit obéir et partir, mais il sait que s’il le fait il va à l’encontre de ses idées et met son couple en danger puisque sa femme lui a dit « Si tu me quittes pour des assassins en uniforme, il n’y aura pas de retour ».

Anne-Marie Storme a été saisie par la puissance des dialogues et la force des arguments qui s’affrontent. Elle a décidé d’adapter la nouvelle en supprimant toute référence qui ramènerait à une époque et à un lieu précis et a même changé les prénoms des protagonistes pour la rendre plus universelle et atemporelle. On ne peut pourtant s’empêcher de penser à la guerre en Ukraine et d’ailleurs, à la toute fin de la pièce on entend, dit par une voix off, un très court extrait d’une émission de France Culture du 24 février 2023 Le grand reportage, surles Artistes ukrainiens de la scène au front.

La guerre approche, on le sait par le bruit des bombes qui éclatent. La convocation arrive, une enveloppe qu’Anna tente d’enfouir dans la terre. Fidèle à la nouvelle de Stefan Zweig, Anne-Marie Storme, qui la met aussi en scène, fait parler le héros Tom à la première personne dans une adresse directe au public. Cédric Duhem campe un Tom déchiré entre l’obéissance à l’appel administratif qui lui ordonne de se rendre sous les drapeaux pour défendre sa patrie, son désir de rester libre pour se consacrer à son art et son refus de cette boucherie qu’est la guerre. Un pied de chaque côté de la petite butte de terre qui traverse la scène on sent ses hésitations et la boule d’angoisse qui lui tord le ventre. Face à lui Anne Conti est Anna, sa compagne, qui l’exhorte à rester libre, à continuer à peindre et à ne pas risquer sa vie pour cette folie guerrière qui va à l’encontre des convictions qu’il a toujours défendues. Fiévreuse, poignante, elle s’accroche, argumente, menace. La musicienne Stéphanie Chamot a composé, joue et chante sur la scène une musique électro-rock qui porte la poésie et la rage du texte, dit l’urgence du choix et accompagne la montée de l’angoisse chez Tom au fur et à mesure que son conflit intérieur et l’affrontement avec sa femme prennent de l’ampleur.

Le texte de Stefan Zweig prend ici toute sa force et son humanité.

Micheline Rousselet

Spectacle vu le 17 mai à La Verrière à Lille

Du 3 au 20 juillet au festival d’Avignon off, Théâtre de la Bourse du Travail CGT à 16h, relâche les 8 et 15 juillet – Tournée ensuite : 25 et 26 février au Palace à Montataire à 10h et 14h30, 28 février au Centre culturel François Mitterrand à Tergnier, 28 mars à l’Espace culturel Jean Ferrat à Avion, ensuite Hénin-Beaumont

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