C’est l’histoire vraie d’une jeune fille de seize ans, plutôt timide. Pour son anniversaire sa mère lui offre des cours de conduite accompagnée et sa vie va basculer. Peu à peu son moniteur d’auto-école, Christian, qu’elle trouvait séduisant, va abuser de sa naïveté et se révéler en violeur sans scrupule. Cela va durer cinq ans pendant lesquels il l’humilie, lui impose le silence et où elle se retrouve comme un lapin pris au piège des phares d’une voiture. Il faudra des années avant qu’elle puisse sortir de la sidération, trouver les mots pour dire ce qu’elle a vécu. Mais être entendue est encore un autre parcours du combattant.
Elsa Adroguer a écrit cette pièce glaçante, forte et bouleversante. Une adolescente ordinaire, une gamine naïve sans expérience, se laisse abuser par un homme plus âgé qui, au début joue de tous les registres de la séduction, avant de la violer puis de la soumettre à tous ses désirs dans des conditions où le sordide le dispute à la violence. Des leçons de conduite aux lieux du viol, des amitiés lycéennes à la vie d’après de la jeune femme, qui pendant un temps a cru avoir oublié, de la dureté de l’endocrinologue qu’elle consulte pour savoir à quoi attribuer ses maux à l’accueil du policier auprès duquel elle vient porter plainte et qui n’entend pas ses mots, on suit le parcours de la jeune fille avec des retours en arrière et des avancées au fur et à mesure de la mémoire retrouvée. Il y a des moments d’humour, des dialogues drôles, car la vie n’est pas que tragédie.
Sans décor, comme enfermée dans un carré de lumière qui la détache de l’obscurité, Elsa Adroguer fait vivre cette histoire et tous les personnages, avec seulement parfois la voix off de Franck Mouget. Il y a des moments où l’on sourit de cette adolescente naïve qui laisse le loup entrer dans sa chambre seulement préoccupée de savoir si sa chambre va lui plaire, de cette jeune fille de dix-huit ans, qui espère la venue pour son anniversaire de cet homme à femmes marié. Elle est cette jeune fille mais aussi la médecin dure, totalement dépourvue d’empathie, le policier qui ne veut pas s’embêter avec une cause perdue d’avance, la mère qui ne comprend pas, l’avocate qui explique. Elle devient une jeune femme consciente, en colère contre les interrogations de ceux qui ne comprennent pas qu’elle ait pu se taire. Elle dit la sidération des victimes. Elle est fragile et forte à la fois, bouleversante toujours.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 5 juin au Théâtre La Flèche, 77 rue de Charonne, 75011 Paris les mercredis à 19h – Réservations : 01 40 09 70 40 ou info@theatrelafleche.fr
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