Souvent il suffit de quelques mots pour que du fond de notre mémoire surgisse une chanson. Loin d’entrer dans le débat qui opposa autrefois Guy Béart et Serge Gainsbourg sur le fait de savoir si la chanson était un art mineur, ce que défendait le second à l’encontre du premier, les comédiens et comédiennes de la Comédie Française se lancent dans un « spectacle album », un spectacle où la chanson est au cœur de l’histoire et le déclencheur de la parole.

Le projet a été confié à Guillaume Barbot, bien connu pour les spectacles qu’il met en scène à la croisée du théâtre et de la musique avec son complice, le musicien et compositeur Pierre-Marie Braye-Weppe. Il a demandé à quatre romancières et romanciers d’imaginer un texte, qui dure la durée d’une chanson de trois minutes (temps réglementaire pour le passage en radio) à douze (temps long de certaines chansons en concert). La mission qui leur a été confiée était d’écrire pour un comédien ou une comédienne, à la première personne et en lien avec une chanson qui aurait compté pour lui ou elle. Ces court textes nous entraînent dans ces moments où une chanson a créé un déclic émotionnel et nous font retrouver celles que nous croyions oubliées et qui étaient prêtes à se réveiller pour faire naître un sourire ému. Pierre-Marie Braye-Weppe a ensuite complété en écrivant des musiques pour ces textes en tenant compte de la personnalité des comédiens qui les interprètent.

Sur la scène, comme dans un studio d’enregistrement, sont disposés un piano, une batterie, un synthétiseur, un accordéon, des guitares et des violons dont vont s’emparer les comédiennes et comédiens aussi chanteurs et musiciens. Ils se passent le relais de textes en chansons, des chansons populaires, que nous avons tous fredonnées un jour, aux musiques écrites par Pierre-Marie Braye-Weppe. On est cueilli par Thierry Hancisse chantant de sa voix grave et âpre Dans le port d’Amsterdam avant que la jeune Léa Lopez fasse naître les sourires en parlant de sa naissance, en glissant quelques notes de Ménilmontant, puis en répétant sur tous les tons son prénom. Les générations se rejoignent quand Véronique Vella, avec sa guitare, démarre comme une confidence Les mots bleus de Christophe, bientôt suivie par la mélancolie de la voix de Thierry Hancisse que rejoignent les voix fraîches de Léa Lopez et d’Axel Auriant. Véronique Vella fait se rejoindre souvenirs d’enfance d’un concert de Barbara, qu’elle compare à un flamand noir, et Pierre, qu’elle aima plus tard. On glisse de l’émotion avec le duo Thierry Hancisse – Véronique Vella pour la chanson de Jacques Higelin Je ne peux plus dire je t’aime, ne me demande pas pourquoi à la comédie avec Léa Lopez chantant à tue-tête « je suis rock, je suis punk », tandis que les guitares de Thierry Hancisse et Véronique Vella se déchaînent derrière sur C’est le temps des copains.

Un petit bijou où les comédiens deviennent chanteurs et musiciens pour chercher l’émotion grâce aux chansons. Quelle aventure et quel talent !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 5 mai au Studio de la Comédie Française, Galerie du Carrousel du Louvre, Place de la Pyramide inversée, 99 rue de Rivoli, 75001 Paris – du mercredi au dimanche à 18h30, relâche les 30 et 31 mars – Réservations : www.comedie-francaise.fr

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