Avec Static Shot à la suite d’Air-Condition, l’Opéra Grand Avignon nous invitait à un diptyque chorégraphique très contrasté. Comment rendre l’immobilité, la fixité, l’intériorité statique par la danse? Quelle gageure que de vouloir donner mouvement à ce qui en est dépourvu. « Static shot » qui suggère un « tir statique » est un oxymore mais la chorégraphie de Maud Le Pladec relève le défi et surpasse la contradiction. En moins d’une petite demi-heure mais à un rythme fou, le même corps de ballet lorrain nous surprend une seconde fois en nous offrant une sorte de marche forcée au pas (K) dansé, un quadrille surdynamisé par la musique de Pete Harden et Chloé Thévenin et bariolé de costumes hip-hop créés par Christelle Koché. Si un danseur se déplace sur un plateau, il bouge. Si plusieurs danseurs s’y déplacent ensemble, en étant soudés les uns aux autres par les membres supérieurs, ils bougent encore mais nous avons l’impression que quelque chose d’immobile demeure, que le mouvement d’ensemble est nié par la fixité des corps liés entre eux. Le mouvement de tous est alors comme contrarié par la stabilité des liens. Autre effet paradoxal du ballet de Maud Le Pladec, même quand les corps se détachent pour exécuter des mouvements individuels, l’effet statique demeure par leur caractère uniforme, hyper réglé, presque mécanique. Finalement ce street quadrille, acquiert une dimension à la fois hypnotique et politique : transe cadencée portant les corps au climax de leur dynamique et allégorie de la manifestation de rue bien encadrée par un service d’ordre qui tient les rangs et ne lâche rien.
Jean-Pierre Haddad
Opéra Grand Avignon, vendredi 15 décembre 2023. Production CCN-Ballet de Lorraine en coproduction avec le CCN d’Orléans.
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