C’est l’adaptation de la tragédie shakespearienne par Peter Brook que Guy-Pierre Couleau a choisi de mettre en scène. Le metteur en scène dit « J’aime le recentrage sur la tragédie familiale que Peter Brook et Jean-Claude Carrière (et Marie-Hélène Estienne) ont opéré. Tout l’enjeu est de comprendre comment un jeune homme qui a tout pour lui comme Hamlet devient un multi-meurtrier, comment un fantôme peut bouleverser sa vie et celle d’Ophélie». Ce qui importe pour Guy-Pierre Rouleau, c’est la passion qui anime les personnages : la mélancolie d’Hamlet et son désir de venger son père qu’il pense avoir été victime d’un odieux complot, la démence d’Ophélie, victime de tous, le goût du pouvoir de Claudius, le désir de vengeance de Laërte, la servilité de Polonius et une Reine tiraillée entre son amour pour son nouvel époux et son fils qui le hait.
Pour le metteur en scène cette pièce a quelque chose d’intemporel. Les questions d’innocence et de justice, centrales dans la pièce, sont toujours au cœur de nos préoccupations. L’indécision qui nous envahit quand il faut prendre certaines décisions qui vont influer sur notre destin, renvoie à celle d’Hamlet, se demandant s’il doit accepter de venger ce père fantôme. C’est pourquoi Guy-Pierre Couleau a choisi d’éviter toute référence au passé, dans le décor comme dans les costumes. Hamlet arrive dans des vapeurs de fumée, propices à toutes les dérives de l’imaginaire. Sur la scène vide, que viennent juste occuper des panneaux porteurs de graffitis évoquant la couronne à trois branches emblématique des peintures de Jean-Michel Basquiat, le jeune Hamlet erre telle une âme en peine, vêtu d’un costume sombre et d’une chemise blanche, comme ceux que portent les dirigeants du monde aujourd’hui. Son père est mort depuis à peine deux mois et déjà sa mère s’est remariée avec le frère du défunt. Il rêve de vengeance et tout va être prétexte à nourrir ses soupçons. Rien ne pourra l’arrêter dans sa folie, ni le meurtre de Polonius, le père d’Ophélie, qu’il commet sans l’avoir voulu, ni la folie et la mort d’Ophélie.
Dans une distribution homogène, on retiendra Emil Abossolo M’Bo incarnant un Polonius obéissant servilement aux ordres du nouveau roi incarné par Nils Ohlund, Anne Le Guernec qui donne une vraie profondeur au personnage de Gertrude, à la fois épouse amoureuse et mère dépassée par le comportement de son fils et surtout Benjamin Jungers en Hamlet. Ex-pensionnaire de la Comédie Française, il est formidable dans ce personnage d’adolescent qui s’interroge et joue au fou pour asseoir sa vengeance, avec un plan si complexe qu’il se retourne contre lui. Il est à la fois séduisant, inquiet et inquiétant.
Micheline Rousselet
A partir du 2 octobre à l’Artistic Théâtre, 45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris – mardi 20h, mercredi 17h, jeudi 19h, vendredi 20h30, samedi 17h et 20h30, dimanche 16h30 – Réservations : 01 43 56 38 32 ou www.artistictheatre.com
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