La violence numérique est tout aussi dévastatrice que la violence physique pour les femmes qui en sont victimes. Selon l’ONU 73% des utilisatrices d’internet ont subi une forme de cyberviolence. Depuis la vague #Me Too, les langues se délient, révélant le harcèlement, le lynchage, la diffusion de photos intimes, les insultes, les menaces de viol ou de mort dont sont victimes les femmes, dont peu encore osent s’adresser à la police.

Les deux documentaristes québécoises, Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist ont donné la parole à un homme, le père d’une jeune fille qui s’est suicidée, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo de son viol par ses propres bourreaux, et à quatre femmes. La comédienne et youtubeuse française, Marion Seclin, a reçu sur les réseaux sociaux plus de 40 000 messages d’insultes, de menaces de mort et de viol, après une vidéo où elle dénonçait le harcèlement de rue et s’est vu seulement conseiller par la police « de quitter internet ». Laura Boldrini, présidente de la Chambre des Députés italienne a reçu des messages d’insultes grossières d’hommes politiques comme Beppe Grillo et Matteo Salvini. Elle a obtenu la condamnation d’un maire, qui appelait à son viol. Elle prépare un projet de loi qui imposerait de lourdes amendes aux media sociaux qui laissent se propager des messages de haine. La Canadienne Laurence Gratton, aujourd’hui enseignante, travaille à la sensibilisation des jeunes élèves contre le harcèlement en ligne. Elle se bat pour faire condamner son agresseur, qui semble avoir 40 victimes à son actif dans l’école où elle étudiait lors des faits. Kiah Morris enfin représentante du Vermont, noire de surcroît, a démissionné et été obligée de déménager après 18 mois de harcèlement en ligne, qui ont gravement perturbé sa famille avec insultes, croix gammées sur les arbres près de chez elle et menaces de viol et de mort. Elle a obtenu la condamnation de la mairie et de la police qui n’ont pas voulu la protéger. Aux côtés des témoignages de ces femmes qui ont osé parler interviennent quatre expertes. Donna Zuckerberg démontre les liens entre ces graphomanes misogynes et la droite dure américaine qui a élevé la violence à un niveau sans précédent. Laurence Rosier, professeur de linguistique remonte le cours de l’histoire pour comprendre l’étymologie de ces insultes reçues par des femmes depuis des siècles. Sarah T. Roberts explique comment les géants du numérique profitent financièrement de la haine qui circule sur les réseaux. Nadia Seraïocco enfin analyse la faiblesse des recours légaux et l’insuffisance de formation des policiers sur ce sujet.

Le documentaire suit au plus près le quotidien des quatre victimes, à la façon d’un thriller. Elles subissent de plein fouet des attaques sur leur physique, leur sexualité, leur légitimité intellectuelle, qui leur font perdre confiance en elle. Elles se demandent quelle erreur elles ont pu commettre, elles ont honte et la peur finit par les tenailler dans les lieux publics. C’est une haine des femmes, même pas masquée, qui se répand sur les réseaux sociaux et ce documentaire arrive opportunément pour dénoncer le phénomène et appeler à l’action des pouvoirs publics et des géants du numériques pour lutter contre le cyberharcèlement dont sont victimes les femmes parce que femmes.

Micheline Rousselet

« Je vous salue salope, La misogynie au temps du numérique » de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist (Canada, 2023, 80 minutes) Sortie le 4 octobre


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