Certains se souviennent de l’affaire Claus von Bülow, dont Barbet Schroeder avait tiré un film à succès avec Jeremy Irons et Glenn Close. Ce dandy, dont la vie s’étalait dans les magazines people, avait été accusé d’avoir tenté de tuer sa riche épouse Martha, surnommée Sunny, par une piqûre d’insuline qui l’avait laissée dans un coma profond dont elle ne sortira jamais. Tout était là pour faire un fait divers captivant sous les caméras du monde entier. Une épouse richissime devenue frigide, qui cherchait l’oubli dans la drogue, un mari désargenté et séducteur, qui souhaitait hériter pour épouser la jeune actrice qu’il courtisait, laquelle n’hésita pas à le charger lors du procès. L’attitude de Claus von Bülow lors du premier procès, ne manifestant aucune émotion et impavide à l’annoncé de sa condamnation à trente ans d’emprisonnement, n’arrangea pas les choses. Il engagea alors un jeune avocat pour le procès en appel. Celui-ci, bien que doutant de l’innocence de son client, obtint son acquittement. Il y gagna la notoriété et une petite fortune.
La pièce démarre dix ans après le procès. Claus von Bülow, qui vit désormais à Londres, revient à New-York pour rendre visite à son avocat, dans son somptueux bureau dominant Manhattan. Est-il venu lui dire enfin la vérité ? Un jeu du chat et de la souris s’engage entre les deux hommes aussi intelligents que retors, aussi brillants que séducteurs.
Passionné par le mystère qui continue à entourer cette mort suspecte, dans un milieu où la vieille aristocratie côtoie le monde des ultra-riches, Alain Teulié a imaginé ce dialogue entre Claus von Bülow et son avocat. Chacun joue son jeu et semble révéler un peu de ses secrets. Ils s’apprécient autant qu’ils se détestent et cela ajoute au mystère de leur relation.
La mise en scène de Dominique Guillo place le dialogue dans un très beau décor : un bureau confortable avec ses fauteuils profonds, une vue sur la skyline de Manhattan, un peu enneigée la veille de Noël, et les bruits de la ville qui nous parviennent, lorsque s’ouvre la baie vitrée. Il a surtout choisi deux acteurs aguerris. Patrick Chesnais a la taille élancée, le flegme germanique, l’élégance de dandy de Claus von Bülow et l’ironie d’un homme que sa fortune rend sûr de lui. Il a envie de jouer avec cet avocat dont il a assuré la fortune, Mais qu’est-il venu chercher dans ce duel ? Patrick Chesnais sait admirablement maintenir le mystère, les volte-faces et les renversements de situation. Face à lui Nicolas Briançon campe Alan Dershowitz, qui n’est plus ce jeune avocat que Claus von Bülow avait engagé pour le défendre. Il est au sommet de sa carrière, riche et célèbre. Nicolas Briançon campe cet homme qui désormais se sent aussi maître du jeu. Il passe des interrogations à l’agacement face au comportement de son ex-client. Il voudrait savoir mais il n’a pas l’intention de se laisser mener par cet homme dont il saisit bien l’arrogance.
Sur le mariage, l’argent, la vérité, la justice, les media, les dialogues entre ces deux cyniques sont brillants. On les apprécie d’autant mieux qu’ils sont portés par deux très bons acteurs.
Micheline Rousselet
À partir du 12 septembre au Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, 75014 Paris – du mercredi au samedi à 21h, matinée le samedi à 17h30, le dimanche à 15h30 – Réservations : 01 43 22 77 74 ou www.theatremontparnasse.com
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