« Immobilité » – un titre curieux et bien choisi pour attirer le lecteur – nous place dès l’abord dans une terre victime du « collapse » dans laquelle l’air, l’environnement quasi désertique empêche toute vie animale ou végétale. Seules subsistent de petites communautés, souvent sectaires qui s’approprient la Bible, « The Good Book » pour justifier à la fois de leur existence et de leur volonté de s’abstraire de toute solidarité vis-à-vis des autres survivants. Le partage ne peut se faire que dans la violence. Les « humains » – appelons-le comme ça – ont besoin de techniques monopolisées par des sectes. Ils ont besoin d’un « homme de main » qui résiste à toutes les pollutions. Brian Evenson raconte sa mission, ses tribulations, ses rencontres pour dresser une sorte de miniature de notre humanité. En conteur averti, il entraîne le lecteur derrière cet « homme ». Il ne permet au lecteur de souffler et de s’interroger seulement à la fin de l’épopée, car c’en est une.
A ce moment, une référence saute à l’esprit. Pierre Clastres, ethnologue, dans une de ses enquêtes sur les Indiens Guayaki – si mes souvenirs sont bons – faisait état d’une tradition : le chef de guerre était exilé, vivant à part du village et n’était appelé qu’en cas de besoin pour, à la fin de la guerre, repartir dans son exil, de nouveau livré à la solitude. Cette théorisation a été contestée mais, visiblement, dans le futur imaginé par Evenson, quelque chose de Pierre Clastres, volontiers utopiste politique, est restée.
Nicolas Béniès
« Immobilité », Brian Evenson, traduit par Jonathan Baillehache, Rivages
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