Un groupe de quatre adolescents raconte comment ils ont tyrannisé leur bouc émissaire habituel Adam. Mais cette fois le « jeu » a été trop loin et Adam, caillassé et blessé, est tombé au cœur de la forêt dans un trou sans fond. John, qui s’est désigné comme chef, refuse que l’on parle de la mort d’Adam, mais la disparition de l’adolescent centralise l’attention des media. Un autre ado, Phil va alors imaginer un scénario pour « les sortir de cette merde ».
On retrouve dans la pièce les thèmes chers au dramaturge britannique Dennis Kelly, l’exploration de la cruauté ordinaire des relations humaines et des dérèglements de notre société. Face à la catastrophe, où se révèle une violence insoutenable, incapables de communiquer, enfermés dans leur solitude, ces adolescents n’ont plus qu’à faire corps dans un scénario monstrueux, destiné à les dédouaner. Phil, froid et cynique imagine et organise, les autres obéissent. Mais tout ne se passe pas comme prévu.
Marie Mahé a adapté et mis en scène ce huis clos étouffant. Sur le plateau un banc où s’assied celui qui prend le pouvoir. John trop émotif sera remplacé par Phil, qui organisera la riposte pour éloigner tout soupçon. Uniquement soucieux d’efficacité, imperméable à tout sentiment de culpabilité, il parle peu, mange ses chips et boit son coca avec une parfaite indifférence. Léa qui l’admire tente de lui faire partager ses émotions et s’interroge.
Les personnages apparaissent comme des archétypes et quatre acteurs se partagent les cinq rôles. Achille Reggiani, en alternance avec Tigran Mekhitarian, incarne Adam la victime et John qui se veut chef mais refuse avec violence de nommer les choses et d’assumer les conséquences de ses actes. Marie Mahé est la fille qui a suivi le groupe dans la violence. Désemparée, elle attend qu’un chef autoproclamé lui dise ce qu’elle doit faire. Maxime Boutaréon est Phil ce chef pragmatique et taiseux. Assis sur le banc, il grignote chips et sucreries, regarde dans le vague, léger sourire ironique aux lèvres, lève les yeux à l’écoute du discours de Léa qu’il semble à peine écouter et à laquelle il ne répond pas. Tout son corps, ses yeux et ce léger sourire disent son absence d’émotions et d’empathie. Léa Luce Busato est Léa, aussi prolixe qu’il est mutique. Elle lui parle des astres, des chimpanzés qui règlent leurs conflits avec violence alors que les Bonobos sont pacifistes et empathiques. Elle est fascinée par Phil mais s’interroge sur la nature humaine, plutôt chimpanzé ou bonobo ? Après une sorte de moment de transe (pas très réussie), elle finira par quitter le groupe, s’éclipsant discrètement en ouvrant une petite lueur d’espoir dans cet océan de noirceur.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 19 mars au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Route du Champ de manœuvre, 75012 Paris – du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h30 – Réservations : 01 43 28 36 36 ou www.la-tempete.fr – au Théâtre Lepic à Paris le 21 mars à 21h et le 22 mars à 19h
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