Sophie Torresi, comédienne et metteuse en scène, présente son projet comme un docu-fiction qu’elle a créé avec Domitille Bioret, Violaine de Carné, Madeleine Mainier et Isabelle Saudubray, toutes également comédiennes et metteuses en scène. Elles se sont constituées en collectif pour transformer en spectacle les récits brefs partagés pendant plusieurs années sur un réseau social dans lesquels Sophie Torresi évoque la vie avec son fils atteint d’un handicap respiratoire sévère.

Sur le plateau noir nu avec quelques chaises, une femme (Sophie Torresi) alors qu’elle est en train de manger des pâtes avec son fils adolescent reçoit un coup de téléphone de l’hôpital et tout bascule : le pneumologue lui annonce brutalement sans plus d’explication que l’équipe médicale envisage une greffe pulmonaire pour son fils. C’est alors la sidération, l’incompréhension, la révolte : alors que son fils n’est plus appareillé depuis longtemps, qu’il vit normalement ou presque, même si la moindre infection respiratoire peut provoquer de graves complications, pourquoi cette intervention s’impose-t-elle ?

S’enchaînent alors sur un rythme rapide et fluide de courtes saynètes qui ne respectent pas l’ordre chronologique où la mère retraverse les quinze années de sa vie avec son fils malade. La très belle idée de Sophie Torresi a été de recourir à une mise en scène collective et chorale. Les monologues où la mère évoque ses angoisses, ses difficultés à laisser son fils vivre, la pesanteur du quotidien, les répercussions sur le couple, ses hésitations face à la décision à prendre se fragmentent en multiples phrases courtes dites par les différentes comédiennes dans une véritable chorégraphie .Cette diffraction de l’écriture en mouvement rend réel et met en scène la pensée qui s’élabore, l’infiltration de l’émotionnel, du psychique et du mental. Un blouson, une blouse blanche, des chaises figurant un bureau, une voiture, une salle d’attente et ces monologues deviennent en un clin d’œil dialogues avec le fils, l’ex-mari, le personnel médical. Ces scènes dialoguées non sans humour avec le fils adolescent rebelle peuvent être d’un réalisme glaçant à l’hôpital tant elles s’enfoncent dans l’absurde et l’incompréhension. Pourquoi les médecins veulent-ils absolument recourir à une greffe alors que la situation est stable et que les risques sont importants, pourquoi refusent-ils de continuer à suivre médicalement leur fils quand les parents refusent la greffe. Ces questions resteront sans réponse.

L’objectif de Sophie Torresi n’est pas de contester la pertinence du projet chirurgical mais vingt ans après la loi Kouchner sur le consentement en matière de soins, de questionner la communication médicale, la décision partagée et le droit des patients. A l’heure où la médecine est de plus en plus spécialisée, le patient perd de son humanité et peut devenir un simple cas voire un objet de recherche. Il est indispensable de se poser des questions éthiques.

Frédérique Moujart

Jusqu’au 28 février , dimanche, lundi, mardi à 19h au théâtre de Déchargeurs -3 rue des déchargeurs, Paris 1er – Réservation : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechargeurs.frDu 1er au 4 mars à 19h à La Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle, Paris 18ème, tel : 01 42 05 47 3124 mars, Maison du Théâtre, Amiens- 31 mars au 2 avril, Théâtre de La Verrière, Lille

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