Camille est une jeune comédienne qui brusquement souffre de problèmes psychosomatiques. Un chaman lui suggère d’interroger ses ancêtres. L’enterrement de sa grand-mère bien-aimée va lui donner l’occasion de le faire. Ce n’est pas auprès de son père, qui ne lui a rien transmis de la culture juive ni de l’histoire familiale, ni de sa mère non juive et séparée de son père, ni de sa sœur indifférente à ces questions, qu’elle peut espérer trouver une réponse à sa quête d’identité et une histoire familiale à laquelle se raccrocher. Sa grand-mère est née en Pologne, c’est là qu’elle va partir pour mener sa recherche. Ce n’est pas facile car la Pologne d’aujourd’hui est bien loin de celle qu’avait quittée sa grand-mère dans les années 30, les lieux, les noms ont changé, les traces ont disparu. Pourtant un homme va l’aider et lui donner accès à ces ancêtres, morts pour la plupart dans le ghetto et dont elle ignorait jusqu’aux noms.

Maud Landau a écrit le texte de la pièce, l’a mis en scène (aidée par Laura Lutard) et joue Camille. Elle convoque le souvenir de sa grand-mère, la tire de l’oubli, se métamorphose en elle pour toujours se souvenir, refuser l’oubli où les nazis ont tenté d’ensevelir tous les Juifs. Comme elle le dit à la fin « Pour moi être juive, ce ne sont pas les fêtes, c’est la non-rencontre avec ma famille ». C’est avec humour qu’elle évoque l’enterrement de sa grand-mère avec sa mère qui s’inquiète de savoir si sa tenue est convenable, son père qui semble tout ignorer de l’histoire familiale ou des rites judaïques, sa sœur, ado mâchouilleuse de chewing-gum, la main greffée à son téléphone et le langage brut de décoffrage. C’est avec beaucoup de tendresse qu’elle dresse le portrait de cette « grand-mère-tarte aux pommes », dont elle découvre une jeunesse politiquement engagée en Pologne, avant que son mariage ne la conduise en France où la persécution des Juifs l’obligera à se cacher. Quentin Laugier s’est astreint à une dramaturgie très sobre, à l’image du texte lui-même sincère et sensible.

Maud Landau passe de la voix de Camille, la narratrice, à celle de sa mère bien éloignée de ses questionnements, à celle de sa sœur ou de son père qui, avec une certaine vulgarité, refuse ces retours vers le passé et la judaïcité qu’il juge tout à fait inutiles, au point même d’écrire sur la tombe de la grand-mère son prénom français et non Chawa, son prénom polonais. Elle est ensuite ce jeune homme qui va éclairer la narratrice.

La Shoah, Maud Landau la connaissait par ses cours d’histoire, mais là c’est par l’émotion qu’elle y entre, par amour de sa grand-mère. Ainsi elle retisse le lien et nous rappelle que si on continue à penser à ceux qui ne sont plus, ils ne sont pas tout à fait morts.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 23 décembre au Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris – les jeudis et vendredis à 21h15 – Réservations : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechargeurs.fr

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