Jean-Christophe Meurisse avec sa compagnie des Chiens de Navarre nous a habitués à un théâtre potache, qui ne recule pas devant le grand guignol ou la scatologie, pour nous parler de politique.
Quand les spectateurs entrent dans la grande halle de La Villette, ils se trouvent projetés dans une séance à la Chambre des députés transformée en foire d’empoigne. Le Président, entre deux publicités pour des associations aussi diverses que saugrenues, s’efforce de rétablir un peu d’ordre tandis que, au milieu du public, des députés se coupent la parole et s’insultent gaillardement avant d’en venir aux mains. Passée cette introduction, on se trouve dans un hôpital psychiatrique délabré, où vient d’arriver un député d’extrême-droite très agité exfiltré de la bataille à l’assemblée, une femme dépressive, fan du chanteur Christophe, et un cadre d’un peu plus de cinquante ans qui, alors qu’il pense avoir encore beaucoup à apporter à son entreprise, se retrouve viré par les nouveaux patrons pseudo-écolos et adeptes de la novlangue managériale.
Toutes les angoisses de notre société, de plus en plus libérale et violente où les plus faibles sont écartés, défilent devant des psychiatres impassibles aussi cinglés que leurs patients. « On se demande qui est vraiment fou. Ceux qui le sont ou ceux qui sont dans une normalité productrice » dit Jean-Christophe Meurisse.
Comme à leur habitude, les Chiens de Navarre n’épargnent rien ni personne. Ils osent tout, les mares de sang, le vomi du lavage d’estomac de la patiente qui a avalé une quarantaine de xanax, la visite chez une gynécologue armée d’instruments très inquiétants pour examiner sa patiente. Ils se moquent de tout, en particulier de la langue de bois des politiques avec ce député, qui après avoir promis des sommes faramineuses pour la rénovation de l’hôpital ne cesse de répéter « cela ne me dérange pas » tandis qu’un patient le couvre d’urine, de déjections et lui frotte la tête avec son sexe. Racisme, lepénisme, jeunisme, macronisme, mélenchonisme, gilets jaunes, tout passe à la moulinette de leur approche cash et trash.
Même si la puissance du rire emporte tout, comme dans ce tango sensuel soudant un CRS et un gilet jaune, au milieu de cette démolition en règle passe cette fois un peu de tendresse pour tous ces fous avec les mots des chansons de Christophe ou de Richard Cocciante (Il mio rifugio sei tu).
Micheline Rousselet
Jusqu’au 3 décembre à La Villette, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris – à 20h- Réservations : 01 40 03 75 75 ou lavillette.com – en tournée ensuite : 7 et 8 décembre Scène Nationale d’Alençon, 14 au 18 décembre MC 93 de Bobigny, 5 au 7 janvier L’Onyx de Saint-Herblain, 12 et 13 janvier L’onde de Vélizy, 18 et 19 janvier Rive Gauche Saint Etienne du Rouvray, 26 au 28 janvier MAC de Créteil, 2 au 5 février Le Volcan Le Havre – autres dates ensuite.
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