Belle idée de la Scala Paris que d’avoir permis à Ruthy Scetbon de présenter son spectacle de clown qu’elle a créé avec Pitch Riley pour l’inauguration de la toute nouvelle petite salle bleue en forme d’amphithéâtre, en accord parfait avec un spectacle de cirque.

Avec son nez bordeaux de clown, son sac banane, sa serpillière et sa robe bleue, en harmonie avec la couleur du lieu, elle joue une femme de ménage qui vient nettoyer la salle le soir venu quand les feux de la rampe sont éteints. Se croyant seule, elle allume la lumière et, interloquée, découvre la présence du public qui est tout de suite séduit et fasciné par l’expression de son visage très plastique, par ses mimiques presque enfantines empruntes d »étonnement, de surprise, de timidité, de perplexité et d’interrogation. Ses rares paroles sont quasi inintelligibles et sa gestuelle donne l’impression qu’elle veut redevenir invisible. Puis elle décide de s’adresser aux spectateurs en les faisant participer pour leur expliquer son travail de femme de ménage tout en l’accomplissant. Elle va méthodiquement, en se ménageant des pauses et des poses, d’un point A à un point B jusqu’à un point G où la poussière rencontre enfin la pelle. Sa gestuelle, son occupation de l’espace, ses mimiques et le jeu chorégraphique autour du balai sont exceptionnels et nous font rire tout en nous touchant. Elle réussit à rendre poétique et presque philosophique cette activité très banale.

Quand elle a fini son ménage, elle sort la malle des objets trouvés prétexte à une réflexion sur objets perdus, trouvés et à un jeu théâtral avec les vêtements de la malle dont elle se sert pour faire vivre divers personnages. Par un jeu de miroir, elle met en lumière ces objets oubliés et restés dans l’ombre comme elle. C’est une très belle idée même si le passage sur la danseuse de ballet gagnerait à être condensé comme celui qui suit sur l’envie de liberté avec cependant de très beaux moments sur son enferment, sa souffrance et sa colère. En cela, Ruthy Scetbon incarne parfaitement son personnage et fait scintiller toutes les facettes de l’être humain. Elle s’inscrit dans la lignée des plus grands. On pense à Chaplin, Fratellini, Sol, Marceau, Zouc…

La dernière image est très belle : tout s’éteint, elle disparaît et demeure sur scène une seule lumière, l’accessoire appelé la servante de théâtre qui veille lorsqu’il n’y a plus personne. On peut penser à tous ces invisibles que la société a découverts pendant la période de COVID et qui brillaient dans l’ombre.

Un très beau spectacle à aller voir et la naissance d’une femme clown promise à une belle carrière.

Ruthy Scetbon, un nom à retenir.

Frédérique Moujart

Les 20 septembre, 21 novembre et 24 novembre à 19h30 à la Scala, 13 bd de Strasbourg, Paris 10ème – Réservation : 01 40 03 44 30 ou www.lascala-paris.fr


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