Matthieu Poulet a renoncé à sa carrière dans la finance pour se tourner vers le théâtre et a choisi Lorenzaccio, un de ses chefs-d’œuvre favori. Avec deux anciens de la Compagnie des Chiens de Navarre, Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent, auquel s’ajoute Gaëtan Peau, ils ont écrit, mis en scène et jouent cette transposition de la pièce de Musset.
Les dorures de la Renaissance laissent place aux ors de la République et aux moelleuses moquettes de Bercy. Le Duc, habitué des nuits de débauche consacrées au sexe, à l’alcool et à la cocaïne, profite de sa popularité pour s’échapper de ses fonctions de Ministre des Finances et guigner vers la Présidence de la République. Le Cardinal devenu Directeur du Trésor cache sous ses airs austères une ambition dévorante, un désir insatiable d’enrichissement et de grandes aptitudes au mensonge et à la manipulation. Kris Marquise est la chargée de communication. Fan de créateurs de mode, vêtue de tenues époustouflantes mais pas toujours pratiques, elle récupère toutes les bourdes du Ministre, transforme l’ordure en or, alimentant la presse people en mensonges propres à éblouir le petit peuple. À leurs côtés Lorenzo, devenu directeur de cabinet se rêve en lanceur d’alerte.
Pour cette plongée dans les arcanes du pouvoir où se trament les petites combines au service du pouvoir et de l’argent, les quatre comparses ont choisi un style humoristique où l’absurde flirte avec la réalité, où tout le monde enfume tout le monde et où le cynisme se pare de vulgarité. Quelques bribes de Musset surnagent parfois. Mais on est dans un jeu de massacre où l’ambition, la corruption, la manipulation, les financements occultes et les montages financiers scabreux sont épinglés avec une rage ironique et les auteurs n’y vont pas de main morte, n’hésitant pas à utiliser des noms de personnalités, Elizabeth Borne, Geoffroy Roux de Bézieux, François Coppé et même Mélenchon.
Gaëtan Peau incarne Le Duc, plus préoccupé par ses nuits d’orgie et le souci de soigner sa popularité que par celui des affaires publiques. Jean-Luc Vincent, vêtu d’un costume pourpre, a l’onctuosité, la fourberie, la tartuferie d’un membre de la Haute Administration qui poursuit son intérêt en tâchant d’éviter tous les obstacles. Matthieu Poulet est Lorenzo, le directeur de cabinet qui va troquer son habit de cynique pour celui de lanceur d’alerte. Enfin Céline Fuhrer est éblouissante en directrice de la communication, avec ses fourreaux sexy aux manches froufroutantes et ses escarpins aux talons vertigineux. Elle fait preuve d’une imagination prodigieuse pour rattraper toutes les bourdes de Le Duc et lui forger une image de grand homme.
Même si on peut regretter que cette démolition en règle des travers de notre démocratie nous laisse un peu un goût de cendres, car on se laisse emporter par un rire trop facile, l’idée est originale et le cynisme assumé de la compagnie fait mouche en pointant un monde où, pour satisfaire ses ambitions personnelles, on n’hésite pas à utiliser la manipulation et la corruption.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 26 novembre au Monfort, 106 rue Brancion, 75015 Paris – à 19h30 – Réservations : 01 56 08 33 88 ou lemonfort.fr –
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