Le trio argentin Alfonso Barón, Hermes Gaido et Luciano Rosso proposent avec Dystopia une sorte de prolongation de Un poyo rojo, qui a triomphé dans plus de trente pays depuis 2008. Leur ballet irrésistible s’enrichit cette fois, de parole, de musique et de vidéo.
Avec capteurs, fonds vert comme celui qui permet d’incruster des images à la télévision, vidéo et interactivité, ils s’attachent à détourner notre rapport aux images, à exposer ce qu’elles ont d’envahissants quand elles véhiculent un contenu aseptisé, d’une vulgarité et d’un vide abyssal.
Tandis qu’Alfonso Barón et Luciano Rosso dansent sur scène, leurs doubles en présentateurs de télévision barbus, mais affublés de robes et perruques, commentent et les interrogent sur écran. L’œil du spectateur glisse de la présence physique à l’artificialité de l’écran. Les images se fabriquent sous nos yeux, les artifices sont visibles. Moqueurs les deux danseurs passent du féminin au masculin, leurs corps musclés d’athlètes s’effaçant derrière talons aiguilles et perruques. Ils utilisent leurs doubles comme partenaires de jeu pour désamorcer la réalité. Complotisme, véganisme, questions autour du genre, tous ces sujets de société auxquels les deux danseurs semblent prêts à répondre sont immédiatement éjectés par les deux présentatrices qui préfèrent une superficialité vulgaire censée plaire au public. Et pour couronner le tout, les corps des danseurs mutent, se dédoublent, se transforment, se réinventent sur l’écran vidéo.
On rit beaucoup et on est époustouflé par leurs performances, qui naviguent entre le trivial et le sublime pour dénoncer avec une ironie décapante ce qu’il y a de pire dans nos sociétés accrochées à l’image.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 30 octobre au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – à 18h30 – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr
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