L’un des derniers opus des Cahiers de L’Herne, consacré à Annie Ernaux, constitue une « monographie blanche » particulièrement fournie : nombreux inédits de l’auteure, analyses critiques, points de vue personnels d’écrivains et d’artistes, photographies, fac-similés de dessins et de lettres… Organisé en neuf chapitres, soit thématiques – écriture, voyages, engagement politique – soit centrés sur un titre précis – L’Événement, Les Années, Mémoire de fille – l’ouvrage couvre quelque soixante ans de vie et d’écriture. Les contributions sont riches et variées. Ainsi, une lettre de Pierre Desproges « bouleversé » quand il a « lu La Place » et qui ajoute, avec une simplicité touchante : « S’il vous plaît, continuez d’exister et d’écrire des livres. » Ou encore cette notation du romancier Nicolas Mathieu : « À 20 ans, ce que m’offraient les livres d’Annie Ernaux, c’était cette science douloureuse d’un asservissement général, et par conséquent, la possibilité d’en sortir. Un peu. » L’ex-prof de français et éditrice chez Gallimard, Véronique Jacob, s’attarde avec justesse sur la place particulière qu’occupe Annie Ernaux dans l’institution scolaire où ses livres deviennent des « classiques » : « Pédagogue dans l’âme, écrivaine de l’intime, elle arrive à réunir la littérature et le désir de la faire aimer. Chanceux sont les élèves qui la rencontrent à l’âge des premiers émois littéraires. » Quant à la voix de l’auteure elle-même, on l’entend régulièrement tout au long de l’ouvrage, en particulier dans deux des trois entretiens passionnants réalisés pour la parution de ce Cahier. On y lit par exemple : « Ma vie n’a pas de poids, seule l’écriture lui en donne : ce sont mes livres qui existent, pas moi. » Magnifique aveu dont on trouve l’écho dans l’exergue du récit Le jeune homme, qui vient de paraître : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues. »
Brigitte Cacheux & Geneviève Chourreu
Annie Ernaux, Cahier dirigé par Pierre-Louis Fort, Éditions de L’Herne, 2022
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