Pendant le confinement, Mohamed El Khatib, artiste associé au TNB (Théâtre National de Bretagne), avait demandé à ses élèves de se présenter par une courte vidéo en utilisant Zoom. Dans la conversation une des jeunes actrices a évoqué la sexualité de ses parents, ce qui les a tous surpris, car ce sujet est un peu l’angle mort des relations familiales. De fil en aiguille est venu le projet de parler des parents et du regard que ces jeunes acteurs et actrices jettent sur eux. De quoi ont-ils hérité, que rejettent-ils ? Ce travail les a conduits à interroger leurs parents, à recueillir leur parole avec parfois des différences selon que c’était la mère ou le père qui s’exprimait. Il n’est jamais question de règlement de compte, au contraire. Si leur regard peut parfois être dur ou moqueur on sent une profonde tendresse et toujours la même réflexion « je ne serai pas comme eux, mais que ferais-je s’ils n’étaient plus là ? »

De ce travail d’écriture, commencé à distance en raison du confinement, est sortie une parole que Mohamed El Khatib a utilisée avec une intelligence et une délicatesse formidables. Tantôt c’est un individu seul qui vient parler de ses parents, tantôt le groupe est là et réagit. Des photos, celles du mariage des parents par exemple, alternent avec des images des rencontres zoom qui permettent de voir les réactions des uns et des autres à ce qui est dit. Comme les parents vont être invités à voir ce travail, les jeunes comédiens doivent les convaincre de participer au projet, ce qui donne lieu à des séquences parfois très drôles avec des parents qui se rêvaient en comédiens ou au contraire ont peur de la scène.

Vingt élèves ont participé au projet. Ils sont quatorze sur scène et, en une heure dix, chacun arrive à dire tant de choses avec si peu de temps. Ils parlent de choses intimes avec simplicité et franchise. Que savent-ils de la façon dont leurs parents se sont rencontrés ou de leur sexualité ? Comment se situent-ils par rapport à eux ? Ils en parlent avec pudeur et humour. C’est finement observé et on atteint parfois des sommets de drôlerie : le père se transformant en entraîneur au bord du stade de foot à la grande honte de son fils, ou les parents aux prises avec les nouvelles technologies. Ce sont déjà de vraies actrices et de vrais acteurs que l’on a sur scène. Lorsque l’un d’eux appelle, comme une litanie et sur tous les tons, pendant une bonne minute « papa », puis semblant de plus en plus angoissé finit par dire « maman », le public ne peut s’empêcher d’applaudir.

Un très joli portrait de la jeunesse d’aujourd’hui, loin des clichés sur les relations parents-enfants. C’est vivant, gai, drôle, émouvant. On rit, on est ému et la surprise de la fin, que je ne vous révélerai pas, fait monter les larmes aux yeux des spectateurs. À voir absolument avec ou sans élèves !
Micheline Rousselet

Jusqu’au 23 septembre au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, 75018 Paris – du mardi au samedi à 20h – Réservations : 01 42 74 22 77 ou www.theatredelaville-paris.com/fr.

En tournée ensuite : 18-19 octobre au Tandem à Arras, 21-22 octobre au Théâtre du Bois de l’Aune à Aix-en-Provence, 15 décembre au Théâtre Romain Rolland de Villejuif, 20 janvier La Garance à Cavaillon, 21 janvier au Forum Jacques Prévert à Carros, 9 et 10 mars au Théâtre de Sartrouville, 22 au 24 mars à la Comédie de Caen, 12 et 13 avril à la Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise

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