Jerome Charyn (né en 1937) a créé un double sans que ce soit un clone mais un autre lui-même, Isaac Sidel, flic de New York né à Brooklyn. Isaac a été commissaire de police, maire de New York et, par un concours où les circonstances ont gagné président des Etats-Unis au même moment, en 2017, que Donald Trump. Il est possible de comparer les deux présidents et le plus loufoque n’est pas forcément celui de la fiction. La différence – elle est de taille – Isaac n’est pas un factieux, contrairement au vrai qui a tout du faux. Il voit toutes les tares, les failles d’une Maison Blanche qui a forcément perdu le contact avec les populations mais comment changer les us et coutumes, les lois écrites et non écrites ? Sidel a conservé son Glock de policier qu’il garde dans sa poche faisant tomber son pantalon de temps en temps. Il voudrait renouer avec le rêve américain de fraternité, de redistribution vers les plus pauvres – horreur de tous les nantis – et se heurte à toutes les pesanteurs politiques, économiques, sociales et même culturelles. Les soutiens financiers de la campagne se détourne de ce pouilleux, juif aux amitiés pour le moins étranges. Pour apprécier plus encore la verve et la saveur de ces caricatures qui frappent justes, il ne faut pas craindre de feuilleter un livre sur la Maison Blanche comme « la vie quotidienne à la Maison Blanche » ou de voir films et documentaires.
« Avis de grand froid » est un pamphlet qui tombait à son heure. Je ne sais, je ne crois pas que Charyn ait prévu la victoire de Trump mais la caricature de sa caricature se trouvait devant lui. Drôle de rencontre !
Aujourd’hui, le roman a conservé sa force de dérision, faisanr rire et réfléchir tout à la fois sur les puissants de ce monde isolé, souvent, du monde qu’ils sont censés diriger. La Maison Blanche n’avait jamais connu une telle secousse comme Camp David qu’il visite et revisite en compagnie d’amis rencontrés dans les ouvrages précédents et qui terminent leur vie. Isaac a atteint le rôle suprême. Il ne lui reste plus que Dieu… Pour sa prochaine incarnation ?
En prime, Charyn retrace dans sa préface les tribulations de Isaac Sidel en montrant comment naît un personnage qui, au départ, n’avait pas un rôle central. Il indique aussi ses influences dont la plus importante – comme pour Philip Roth -, celle de Saul Below. Il dit aussi son amour de la France et de Paris. Une sorte de testament.
Nicolas Béniès
« Avis de grand froid », Jerome Charyn traduit par Marc Chénetier, Rivages/Noir
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