Londres 1661. L’acteur Edward Kynaston triomphe au théâtre dans le rôle de Desdémone de l’Othello de Shakespeare. Les femmes en effet n’ont pas le droit de jouer au théâtre. Coqueluche des dames de la haute société, amant secret du Duc de Buckingham, il a du talent, de l’esprit mais aussi de l’arrogance. Son habilleuse Maria, confite d’admiration et un peu amoureuse, va pourtant se lancer, en toute illégalité et sous le nom de Margaret Hugues, dans le rôle de Desdémone dans un théâtre rival. Poussé par sa maîtresse, qui se pique d’être comédienne, le Roi Charles II va, en 1662, donner aux femmes le droit de jouer les rôles féminins et les interdire aux hommes. Kynaston ne peut accepter ce changement car « il n’y a d’art que lorsqu’on joue ce qu’on n’est pas ». Maniant trop ouvertement l’ironie, il se fait des ennemis, un noble bien en cours Sedley, devenu le protecteur de Margaret Hugues, Nell Gwynn la maîtresse du roi et il découvre que la protection du Duc de Buckingham ne lui est pas inconditionnellement acquise. Hué sur scène par une salle payée par Sedley, roué de coups par des sbires payés par ses ennemis, il passe du succès à la déchéance sociale. Le salut lui viendra pourtant des femmes. Il apprendra à Margaret Hugues à jouer Desdémone comme une vraie femme et découvrira qu’il peut jouer un homme sans abandonner l’art auquel il tient tant.

Agnès Boury, Vincent Heden et Stéphane Cottin ont adapté une pièce de Jeffrey Hatcher. Fidèle à la réalité historique leur adaptation manie humour et dérision pour entonner un hymne au théâtre et à l’amour, qui fait la part belle aux femmes. Qu’est-ce que jouer, quelle place pour les comédiens dans la société, quels sont les rapports entre les comédiens et les directeurs de théâtre, toutes ces questions apparaissent de façon très évidente et sans surcharge dans la pièce.

La mise en scène de Stéphane Cottin nous plonge dans le Londres de 1660. Comme dans le théâtre du Globe, cher à Shakespeare, des toiles peintes que l’on remonte ou que l’on descend figurent les décors. La musique du grand siècle, l’opéra baroque s’insinuent dans certaines scènes. Les comédiens portent perruques et costumes d’époque.

L’histoire avance à un rythme rapide, pleine de rebondissements portée par de très bons acteurs. Le cadre historique est placé dès le début par Patrick Chayriguès, qui incarne le chroniqueur Pepys mais jouera ensuite aussi bien un soutien enthousiaste de Kynestone que son ennemi Sedley. Stéphane Cottin est le Duc de Buckingham, amant caché de Kynaston qui, même si tout le monde est au courant, ne tient pas à s’exposer, Emma Gamet est la petite habilleuse qui se mue en actrice, Jean-Pierre Malignon passe du rôle de directeur du théâtre à celui du Roi, Sophie Tellier est une superbe Nell Gwynn chantant l’opéra baroque Didon et Énée pour le Roi. Enfin on admire la performance de Vincent Heden, qui incarne un Kynaston glissant avec une fluidité surprenante de sa voix d’homme à une voix plus féminine quand il interprète Desdémone.

Un vrai bonheur de théâtre !

Micheline Rousselet

Du 7 au 30 juillet dans le Off d’Avignon au Théâtre des Gémeaux, 10 rue du Vieux Sextier à 21h10 – Relâche les 12, 19 et 26 juillet –

Réservation : 09 87 78 05 58 ou www.theatredesgémeaux.com

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu