Les Baladins du Miroir sont une compagnie belge de théâtre forain qui sillonne les territoires francophones de Belgique, de France, du Canada, de Suisse et d’Afrique depuis quarante ans. Avec leur chapiteau, leurs roulotes (merveilles de bois peint), leurs tables, leurs bancs, sans oublier leur bière (excellente et à leur nom !), ils proposent un théâtre de troupe où les comédiens sont aussi musiciens, chanteurs et parfois circassiens. Les rencontrer est déjà une belle aventure et, en Belgique, les gens viennent de loin pour leurs spectacles. Ils seront cet été du 9 au 21 juillet à Villeneuve-Lez-Avignon.

Cette année le directeur Gaspar Leclère a confié la mise en scène de la pièce à Dominique Serron, la directrice artistique de la Compagnie L’Infini Théâtre de Bruxelles. Comme un lointain souvenir de la Barraca, la troupe itinérante de théâtre populaire qu’avait fondée Lorca, les comédiens, musiciens et chanteurs des deux compagnies se retrouvent sur le même plateau circulaire sous le chapiteau des Baladins du Miroir. Ils sont seize pour cette création qui fusionne les trois pièces rurales de Lorca, Yerma, La maison de Bernarda Alba et Noces de sang.

Tout commence par un enterrement, celui du mari de Bernarda Alba. Arc boutée sur les traditions, elle exige de la maisonnée un deuil de huit ans, condamnant ses cinq filles à se dessécher en attendant le mariage. Autour du seul homme autorisé à entrer dans la maison, car fiancé à l’une d’elles, les désirs s’embrasent et conduiront au drame. Les trois pièces se mêlent ensuite, avec Yerma qui cherche désespérément à être enceinte, seul moyen de trouver un sens à sa vie de femme condamnée à rester enfermée en attendant son mari, pour finir par le drame de Noces de sang. Les filles de Bernarda Alba corsetées dans leur vêtements noirs laisseront place à la fin à la robe de mariée blanche de la novia et au costume brodé du novio dans Noces de sang.

La piste du chapiteau a la sécheresse des campagnes andalouses brûlées de soleil, où rien ne doit changer. Sur cette terre les désirs empêchés, le poids des mères qui condamnent leurs filles au même enfermement que celui qu’elles connaissent, le désir des hommes arrêté par le manque d’argent et les haines familiales recuites vont faire couler le sang. La pleine lune, la forêt qui semble engloutir les amants, les aboiements des chiens dans la nuit, les discussions des femmes, créent un climat à la fois poétique et inquiétant, annonciateur des drames. Le spectacle est ponctué par des interventions de celui que les phalangistes appelaient le « maître rouge », l’instituteur ami de Lorca, qui rappelle la vie du poète, l’aventure de la Barraca et son assassinat sur une route menant à Grenade, la ville qu’il aimait tant.

Line Adam a composé pour le spectacle, comme une lointaine réminiscence de la Barraca, une partition musicale où l’on retrouve les influences du cante jondo et du flamenco andalou, de la musique de Federico et de son ami Manuel de Falla, mais aussi l’écho de cantates de Bach. Fidèles à la langue du poète, l’espagnol, accompagnées par deux musiciens, les voix des femmes se mêlent à celles des hommes dans des chœurs rugueux et poignants.

Un spectacle singulier qui rend hommage à l’univers de Lorca, sa révolte contre une société corsetée, son désir de liberté et sa poésie.

Micheline Rousselet

Du 9 au 21 juillet à 21h30 à Villeneuve en Scène, Villeneuve-lez-Avignon –

Réservations : 04 32 75 15 95

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