Danny Valentin est un compositeur et chanteur yé-yé qui a du succès. Pourtant depuis quelque temps son inspiration est en panne, et les médicaments qu’il avale ne le calment plus. Il voudrait retrouver sa mère qui l’a abandonné, petit garçon, sur les quais d’une gare et a ensuite disparu. Son assistante, Daphné, et son impresario, Hervé, décident d’engager un détective privé, Victor Zellinger, pour partir à la recherche de la disparue. L’enquête va nous mener jusqu’à Budapest pendant l’insurrection hongroise de 1956, écrasée dans le sang par les chars russes, où la trace de Simone Valentin se perd. Danny décide alors de partir pour Budapest sous prétexte d’y donner un concert afin de tenter d’attirer sa mère. On est alors à la fin des années 60, en Hongrie socialiste. La quête de Danny, accompagné par Daphné, Hervé et Victor Zellinger va se révéler pleine de péripéties.
Marc Lainé, actuel directeur de la Comédie de Valence, qui a écrit la pièce, la met en scène et en signe la scénographie, la définit comme une « comédie mélancolique », un oxymore comme le titre de la pièce, puisqu’on n’associe pas spontanément la nostalgie à la vitesse. Une comédie qui commence par l’abandon d’un enfant, un artiste en plein désarroi qui ne s’est jamais remis de la disparition de sa mère et part à sa recherche, croisant son histoire avec la grande Histoire, voici le spectateur entraîné dans une intrigue pleine de rebondissements et de péripéties, d’autant que les personnages qui entourent le musicien ne manquent pas de surprendre. Le suspense tient toute la durée de la pièce et peut-être même au-delà, puisque rien n’est jamais sûr !
Victor Lainé a une fois de plus souhaité mêler les genres et les registres. On passe du drame à la comédie, de l’imaginaire aux faits historiques, de la comédie musicale à l’ambiance d’un film d’espionnage. Il y a même un peu de Tosca dans cette histoire.
Marc Lainé a développé des idées de mise en scène et de scénographie qui rendent vraisemblable cette histoire qui ne manque pas de surprendre : détective commentant son enquête devant le rideau de scène tiré, décor de studio d’enregistrement ou de vaste chambre d’hôtel de luxe de pays socialiste, hall d’un hôtel propice aux rencontres dérobées. Un film à l’ambiance hitchcokienne permet d’assister à la scène traumatique du début, des images d’archives nous accompagnent dans le Budapest insurgé de 1956. Danny Valentin chante et joue du piano et du clavier, la disparue passe comme dans la brume, inspiratrice jamais oubliée. L’assistante déterminée répare les dégâts et l’imprésario, à l’homosexualité un peu caricaturale, pense disque d’or. Un groom entre régulièrement dans la chambre d’hôtel, devançant les désirs des clients ou à l’écoute des micros qui pourraient truffer la chambre d’hôtel du Budapest socialiste de la fin des 60’s ? Et l’on ne peut s’empêcher de penser, même si la pièce a été écrite avant l’intervention soviétique en Ukraine comme un écho à celle de Budapest en 1956.
Marc Lainé sait raconter une histoire qui accroche le spectateur et convoquer la grande Histoire pour la mettre en regard d’une histoire intime. Il a su s’appuyer sur un groupe de comédiens expérimentés : François Praud, Léopoldine Hummel, Émilie Franco, Thomas Gonzalez, Olivier Werner, François Sauveur et Alain Eloy. Tous chantent certains morceaux, comme dans une comédie musicale, sur des compositions de Émile Sornin du groupe Forever Pavot. François Praud, dans le rôle de Dany Valentin s’accompagne en outre au piano et au clavier et Léopoldine Hummel, intervient au piano en image de la mère disparue s’introduisant dans les rêves du chanteur.
Le spectateur se laisse entraîner avec délice dans cette pièce qui mêle habilement narration et chansons, rire et drame, histoire intime et événements historiques, suspense et émotion.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 23 juin au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, 75018 Paris – 20h
Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com
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