W.R. Burnett est toujours à redécouvrir comme auteur de polars, de ces romans noirs qui racontent la pègre de Chicago mais surtout de ces figures d’hommes perdus entre des mondes qu’ils ne comprennent pas poursuivis par un sens de l’honneur désuet. Une partie de son œuvre a été oubliée. Il fut aussi, outre scénariste, auteur de « Western », forme de romans spécifiquement américaine, connue surtout par le cinéma.
La réédition de « Saint Johnson », écrit en 1930, vient à point pour indiquer le talent de Burnett dans cette catégorie. La base de son récit, comme il l’indique dans une note, est la légende du « Règlement de comptes à OK Corral » opposant, à Tombstone (Arizona), deux clans celui des Earp – Wyatt, une figure de l’Ouest, Marshall, dans le livre Wayt Johnson – et celui des Clanton. Le premier chapitre est remarquable. Pas de description du contexte. Une entrée directe dans le monde de ces années d’après guerre de Sécession. Les fortunes et les morts fleurissent, les soûleries brossent le paysage des rues de la ville, prospecteurs et cow-boys se partagent les rôles de figurants et Johnson se retrouve seul sur son cheval dialoguant avec les étoiles, personnage traditionnel asocial cher à Burnett même s’il semble du côté de la loi. Propriétaire d’un tripot, il n’est pas dépendant de son salaire contrairement au shérif élu par les habitants et corrompu. La route continue, encore et encore, encore et encore une autre ville, une autre histoire. Figure de la loi et de l’ordre, Johnson est condamné à l’errance, d’aller voir ailleurs s’il peut trouver une place… Le prisme de Burnett est celui de l’individu dans un monde qu’il ne comprend pas sans référence à la lutte des classes.
La postface de Tavernier rappelle un film oublié : « Law and Order » de Edward L. Cahn qui a été tiré du roman et qui propose un langage cinématographique spécifique. Il note, peut-être pour expliquer les changements de nom voulus par Burnet ou son éditeur pour éviter les procès, que Wyatt Earp est mort en 1929.
Nicolas Béniès
« Saint Johnson », W.R. Burnett, traduit par Fabienne Duvigneau, Babel/Actes Sud
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