Alexandre Dumas a eu une œuvre prolifique. Pour écrire en temps record tous ses romans et ses pièces de théâtre, il a largement utilisé les talents de « nègres » ou plutôt d’« écrivains fantômes » comme on les appelle désormais. On a un peu oublié le plus célèbre d’entre eux Auguste Maquet, qui faisait les recherches historiques, construisait une trame que Dumas enrichissait et signait. La pièce de Cyril Gely et Éric Rouquette fait revivre ce duo.

Nous sommes en 1848 dans le château que vient de se faire construire Dumas à Marly. Auguste Maquet, concentré et sérieux, écrit quand arrive Dumas, massif, truculent, gourmand, m’as-tu-vu, sûr de son talent. Le train de vie de Dumas et les travaux du château exigent de l’argent. Dumas écrit donc plusieurs romans en même temps, exige de Maquet qu’il accélère le rythme, mais aussi qu’il aille négocier avec ses créanciers et avec sa femme qui lui réclame de l’argent et puis aussi qu’il le dépanne en lui prêtant encore de l’argent. C’est alors qu’arrive un Maréchal des Logis (interprété par Samuel Charle) qui annonce l’abdication de Louis-Philippe et les journées révolutionnaires à Paris. Dumas, royaliste, ne croit pas dans cette révolution et se voit déjà ministre dans le prochain gouvernement royaliste. Mais Maquet ne l’entend pas de cette oreille. Il a compris que les républicains ont gagné, il dit à Dumas qu’ils sont des associés et qu’il ne veut pas être entraîné dans l’impasse où s’engouffre Dumas. Le duel est lancé, les caractères s’opposent, les insultes fusent, les menaces pleuvent car quelle est la part de chacun dans l’œuvre et qui peut revendiquer le statut d’auteur ?

Tristan Petitgirard s’est régalé à mettre en scène ce duel où, dans la bibliothèque du château, s’affrontent deux personnalités que tout semble opposer sur la question de la paternité de l’œuvre que signe Dumas. Guillaume Sentou campe un Auguste Maquet, petit travailleur discret, supportant avec calme les ordres de Dumas jusqu’au moment où la coupe déborde. Quand il pense que les prises de position de Dumas risquent de nuire à leur œuvre commune, il se rebelle. Il trouve une dignité qui lui fait revendiquer un statut d’associé dans l’écriture et non pas « de petit assistant », rôle auquel veut le cantonner Dumas. Aussi massif, tonitruant et flamboyant que Guillaume Sentou est effacé et calme, Xavier Lemaire est un Dumas sûr de son talent qui occupe l’espace, se comporte en patron exigeant n’hésitant pas à humilier Maquet, se voit comme un monument national lançant un appel au peuple français qui ne pourra que l’écouter. Ils forment le duo parfait pour incarner ce duel brillant et historique.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 17 avril au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h –

Réservations : 01 45 44 57 34 et sur www.lucernaire.fr

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