Et si nous pouvions rejouer notre vie en modifiant des moments qui nous dérangent, supprimer des disputes et des petites lâchetés, faire d’autres choix, prendre d’autres chemins ? Il aurait suffi de ne pas nouer la conversation avec une invitée qui traînait encore dans le salon à 2h du matin, de ne pas offrir de cigarette, de poster une lettre. Avec un peu de hasard et de chance tout aurait pu être différent.
Le personnage imaginé par le dramaturge suisse Max Frisch, Kürmann, aimerait bien s’échapper de son passé, ne pas avoir rencontré Antoinette, son amour et son cauchemar. Max Frisch nous place dans un lieu très réaliste, un salon. Mais où sommes-nous vraiment ? Au théâtre ou sur le tournage d’un film, puisqu’il y a cet homme qui semble maître du jeu et propose des alternatives de vie à Kürmann sans compter cette assistante qui ressemble à une script, ou en enfer face à un Méphisto doté de tous les pouvoirs?
Cette pièce, où comédie et tragique de la vie se mêlent, fut la première mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia en 1999. Il la reprend et en donne une autre lecture portée par la maturité, ses expériences de vie et de théâtre. Il s’est entouré d’acteurs suffisamment accomplis pour reprendre, sans que le spectateur se lasse, une situation passée, un dialogue déjà énoncé puis en modifier un élément qui change tout. José Garcia est Kürmann. Il excelle à donner l’image de cet homme un peu indécis, qui semble emporté dans une vie où il aimerait changer des choses, plein de regrets mais incapable de choisir, capable de colères mais aussi de résignation. Isabelle Carré est Antoinette une femme moderne et déterminée. Il y a en eux un mystère, quelque chose d’étrange, de décalé qui convient à des personnages enlisés dans une vie un peu morne dont ils aimeraient s’échapper. Jérôme Kirscher est un meneur de jeu qui porte toutes les ambiguïtés de son personnage. Metteur en scène il règle les mouvements des personnages, leur tenue. Démiurge, il propose à Kürmann une autre vie. Celle que celui-ci aurait souhaité ou celle que lui-même imagine pour Kürmann ? Ana Blagojević et Ferdinand Régent-Chappey les accompagnent avec tout autant d’ambiguïtés et de mystères dans le rôle des assistants et des autres personnages croisés par Kürmann et Antoinette.
Ce qu’ils nous proposent c’est un jeu, un peu dérisoire, mais on y rencontre l’amour et le désamour, les espoirs et les regrets, la colère et la résignation, la vie avec ce qu’elle a de banal et la mort aussi.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 3 avril au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h, relâche le lundi –
Réservations : 01 44 95 98 21 ou www.theatredurondpoint.fr
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