Guy-Pierre Couleau met en scène La Tragédie d’Hamlet, texte de Peter Brook traduit par Jean-Claude Carrière et Marie-Hélène Estienne, qui adapte et condense en deux petites heures de façon limpide et très forte Hamlet de Shakespeare. La mise en scène très épurée avec des costumes contemporains de Camille Pénager fait ressortir l’universalité et l’intemporalité de la pièce. Hamlet, remarquablement interprété par l’extraordinaire Benjamin Jungers, entre en scène dans un costume noir avec une cravate en répandant dans l’espace scénique de la fumée. Très belle idée de la scénographe Delphine Brouard qui nous plonge dans le monde du théâtre, du rêve, de l’irréalité, de l’illusion, de l’incertitude : qui est fou ? Hamlet ou ceux qui l’entourent ? Où est la réalité ? Le monde n’est-il pas qu’un théâtre pour reprendre la célèbre formule theatrum mundi ? Cette idée baroque sert de fil conducteur à toute la mise en scène. Nils Ohlund qui joue avec noblesse le spectre du roi défunt, père d’Hamlet, est aussi Claudius, son oncle que Gertrude, mère d’Hamlet, a épousé. Cette ambiguïté est à l’image de la pièce. Où est la justice ? Où est l’innocence ? De même les comédiens ambulants qui viennent jouer à la demande d’Hamlet l’empoisonnement d’un roi font vaciller toutes les certitudes. Gertrude est-elle complice ? Ophélie est-elle innocente ? Hamlet est-il légitime à venger son père ? La machine infernale est alors en route. Plus rien n’arrêtera l’issue fatale.
Le décor fait de deux grands panneaux muraux recouverts de graffitis ( couronnes, crânes, squelettes ) et d’un tapis sur lequel est dessiné un grand visage stylisé au tracé blanc, spectre du roi décédé, renvoie à l’univers de Jean-Michel Basquiat, peintre avant-gardiste et underground. Ces représentations spectrales hantent le plateau et reflètent l’esprit fragile et tourmenté d’Hamlet.
Saluons tout spécialement la performance des acteurs. Benjamin Jungers qu’on avait découvert jeune pensionnaire de la Comédie Française jouant Chérubin dans Le Mariage de Figaro mis en scène par Christophe Rauck en 2007 n’a rien perdu de sa fougue et de sa vitalité. Il campe un très bel Hamlet sachant moduler peine, désarroi, fureur, doute… Tous les autres comédiens et comédiennes sont aussi remarquables : Anne le Guernec, belle Gertrude tiraillée entre son époux et son fils ; Nils Ohlund, imposant spectre du défunt roi et Claudius. Emil Abossolo M’Bo qui a joué dans la troupe de Peter Brook donne au rôle de Polonius toute sa dimension. Sandra Sadhardheen chorégraphie magnifiquement la folie désespérée et la mort d’Ophélie en mêlant la gestuelle du Barathanatyam ( danse traditionnelle indienne ) à de la danse contemporaine.
Un très beau spectacle que nous recommandons aussi bien pour les adolescents que pour les adultes.
Frédérique Moujart
Jusqu’au 20 février- Théâtre 13/Glacière. 103A boulevard Auguste Blanqui.75013 Paris. Réservation : 01 45 88 62 22- du mardi au samedi à 20h, les dimanches à 16h
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu