« Novecento pianiste»

Un homme au pardessus tâché et usé, ancien trompettiste sur un paquebot transatlantique, interpelle le public pour lui raconter l’histoire de son ami, un pianiste génial Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento. Un nom d’une longueur improbable pour un enfant trouvé, abandonné sur le piano de la salle de bal du paquebot par des migrants qui espéraient lui assurer ainsi un avenir meilleur. Celui qui l’avait recueilli n’était pas le couple fortuné espéré, mais un matelot, et l’enfant était resté sur le bateau. Devenu un musicien de génie il n’arrivera pourtant jamais, en dépit des encouragements de son ami le trompettiste, à quitter le paquebot. Il préfèrera rester sur ce navire, où « le monde entier passe » plutôt que de mettre pied à terre car, « alors que sur un piano il n’y a que quatre-vingt huit notes, dans la ville elles sont infinies ».

Laurent Orry met en scène et interprète le très beau roman d’Alessandro Baricco. Avec une scénographie minimaliste – une simple caisse en bois et des éclairages qui font alterner pénombre et lumière – le bruit de la pluie, le roulement du tonnerre suffisent à nous projeter sur ce paquebot où le trompettiste et Novecento se rencontrent et deviennent amis. Démarrant avec le débit très rapide d’un homme qui craint de ne pas pouvoir tout dire, l’acteur ralentit ensuite. La voix accélère à nouveau pour raconter le duel entre Jelly Roll Morton, qui dit être le pianiste de jazz le plus génial de tous les temps, avant de s’étrangler un peu sous le coup de l’émotion, des regrets de celui qui n’a pas réussi à aider cet ami tant admiré et aimé.

À ce conte court et dense, à la fois poétique et cruel, Laurent Orry donne vie avec tant d’émotion que l’on sent bien qu’il touche quelque chose de profond en lui.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 17 mars au Théâtre La Flèche, 77 rue de Charonne, 75011 Paris – les jeudis à 21h – Réservations : 01 40 09 70 40 ou info@theatrelafleche.fr