À son retour victorieux de la guerre, le Prince Don Pedro accorde la main de son fils, Claudio, à celle qu’il aime la belle Héro. Mais le frère de Don Pedro, désireux de leur nuire, met au point un stratagème qui fera croire à Claudio que Héro lui est infidèle. Claudio et son père vont alors détruire son honneur en plein mariage. Dans le même temps les membres de la cour poussent dans les bras l’un de l’autre Béatrice, l’amie d’Héro, et Bénédict, toujours en train de se quereller et de nier leurs sentiments amoureux. Tout finira bien puisqu’il s’agit d’une comédie, mais on trouve dans la pièce ce qu’il faut de noirceur, de complots réussis puis déjoués, de jeux de pouvoir, d’allusions grivoises et de jeunesse emplie de désir, qui sont la marque du grand Will.

Maïa Sandoz et Paul Moulin, qui mettent en scène la pièce, disent : « Il s’agit d’une pièce sur les faux-semblants, où tout le monde avance masqué. Le mariage des jeunes gens est prévu à l’avance, la tromperie de Héro n’est qu’une illusion, sa mort, une ruse, l’amour naissant entre Béatrice et Bénédict, la conséquence d’une succession de mises en scène ». Dès le début les metteurs en scène nous rappellent que nous sommes au théâtre, les arbres en carton du décor ne cherchent pas à sembler réels, les invités arrivent à l’auberge comme un groupe maffieux sur une musique italienne. C’est derrière une unique fleur coupée que « se cache » Béatrice. Masques et mise à distance ironique habitent la mise en scène, comme lorsque se forme un trio qui rythme de chou bi dou bi dou un dialogue où Bénédict et Béatrice cachent leur amour sous une habituelle querelle.

Le texte est bien là, mais niché dans une mise en scène intelligente. Tout ce qu’il a d’éternel ressort bien comme lorsque Benedict demande qu’on mette la lumière dans la salle et s’adresse directement aux spectateurs : « On vous ment et vous voulez qu’on vous mente. Je pourrais dire « je suis un prince » et vous le croyez. On vous ment, mais ce n’est pas pareil dans la vie… ça s’appelle la politique… ». On y entend même un Shakespeare un peu féministe « Comme je ne peux être homme à force de volonté, je serai femme à force de douleur » ! C’est une comédie, alors la noce se transforme en bataille générale dont la pièce montée fait les frais ! Avec musique, le mandoliniste sur scène apporte de l’humour et l’émotion est à la fin, avec les comédiens chantant Unchained melody, la chanson immortalisée par les Platters.

C’est un vrai travail de compagnie et les acteurs (Serge Blavan, Maxime Coggio, Christophe Danvin, Elsa Verdon, Gilles Nicolas, Paul Moulin, Soulaymane Rkiba, Aurélie Verillon et Mélissa Zehner) sont tous convaincants, particulièrement le duo Aurélie Vérillon, fougueuse et enflammée dans le rôle de Béatrice, et Paul Moulin plein de nuances dans celui de Bénédict.

Une adaptation et une mise en scène pleine de fougue et de jeunesse qui n’hésite pas à faire une place à l’argot des jeunes (pour le dialogue des gardes seulement, n’ayez pas peur !) et à la musique tout en restant fidèle au texte de Shakespeare.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 15 octobre au Théâtre 71 – 3 place du 11 novembre, 92240 Malakoff – En tournée ensuite – 20 et 21 octobre à L’Azimut à Antony/Chatenay-Malabry – 23 novembre aux 3 T à Châtellerault – 4 mars 2022 à La Faïencerie de Creil – du 25 au 27 mars 2022 à La Ferme du Buisson à Noisiel – 31 mai 2022 au Théâtre des Deux Rives à Charenton-le-Pont

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